Mine de rien, et pour nous rappeler que le temps passe vite (même trop vite), voilà bientôt vingt ans qu’Axel Rudi Pell explore le monde du heavy métal avec en prime une régularité exemplaire. En effet, "Tales Of The Crown" s’inscrit comme le dix-huitième album du combo allemand. Natif de Bochum (la Ruhr, région d’Allemagne où l’acier coule en fusion), ce guitariste mène une carrière effrénée depuis la création de son premier groupe Steeler dans le milieu des années quatre vingt, dont les productions sont entièrement dignes d’intérêt pour tout amateur de heavy / speed métal mélodique (surtout "Undercover Animal" édité en 1988).
Axel Rudi Pell a croisé le fer avec bon nombre de musiciens reconnus et très talentueux au sein de son groupe (Charlie Huhn, Jörg Michaël, Jeff Scott Soto) pour finalement parvenir à une réelle stabilité à partir de l’année 2000 avec le line up actuel. Cette nouvelle production, enregistrée au Roadhouse Studio de Gelsenkirschen, bénéficie avantageusement de cette continuité. D’ailleurs, le son émanant de "Tales Of The Crown" regorge de puissance dont les échos résonnent en pemanence (les murs du studio ont dû vibrer sous les coups de buttoirs de Mike Terrana associés aux lignes de basses pêchues de Volker Krawzcak, ce dernier accompagnant Axel depuis le début des années quatre vingt).
La puissance sera souveraine durant les soixante minutes de "Tales Of Crown", notamment sur les interventions en solo d’Axel Rudi Pell, souvent très "blackmoriennes" sur les attaques. Quant aux rythmiques, elles évoluent dans un contexte hargneux et plombé. Mais la force de ce six cordiste réside dans la fluidité et l’émotion que procurent son jeu. Techniquement irréprochable et garant d’une grande expérience, cet axeman redoutable se taille une place de choix dans la petite mais néanmoins très enviable nébuleuse des guitar-heroes. Mais il ne faut surtout pas omettre d’évoquer la performance vocale de Johnny Gioeli qui atteint, lui aussi, des sommets d’énergie et de sensibilité. Son timbre clair et fort rappelle Klaus Meine, surtout lorsqu’il s’enflamme sur les couplets et les refrains.
Cette formation aux allures de "Dream Team du heavy métal" tient toutes ses promesses sur "Tales Of The Crown", en évitant une quelconque forme de dispersement et en se concentrant essentiellement sur la robustesse des dix compositions. Le groupe n’est pas avare en brûlots dévastateurs avec des titres rapides comme "Angel Eyes" et "Buried Alive". L’introduction en forme d’arpèges voluptueux sur un fond synthétique aérien de "Higher" ne laisse pas forcément présager un rouleau compresseur heavy où le solo en deux parties est de toute beauté. D’autres morceaux tout aussi savoureux, à l’image des "Riding On An Arrow" et autre "Aint Gonna Win" qui devraient rallier tous les suffrages en live, ou encore un "Crossfire" au refrain très fédérateur, évoquent toute la diversité offerte par les musiciens de ARP.
Mais là où le groupe fait très fort, c’est avec le surprenant instrumental "Emotional Echoes", qui vient taquiner sans effort mais avec une énorme conviction le terrain de prédilection d’un Joe Satriani. Evidemment, ARP n’ayant jamais caché son intérêt pour les ballades au format "power", "Touching My Soul" et "Northern Lights" sont fidèles au rendez-vous, illuminées par les intenses capacités vocales de Johnny Gioeli et les soli ravageurs hautement mélodieux d’Axel. Le titre éponyme s’inscrit comme une pièce maîtresse dans la continuité de l’album, et ce tout en laissant un peu plus d’espace aux claviers, idéalement mis en valeur sur un refrain salvateur et convaincant.
ARP se retrouve donc en position de force avec "Tales Of The Crown" car ce dernier met en valeur de nombreuses ressources qui ne sont pas étrangères à son extraordinaire longévité. Cet album résonne, touche, interpelle mais surtout procure beaucoup de plaisir. Et finalement, sans jamais démériter et en s’inspirant de ce qu’ils ont fait de mieux, ces musiciens viennent de redonner un bon coup de fouet au heavy métal en le réhabilitant dans un contexte évolutif et attractif très favorable. Maintenant, en toute connaissance de cause, n’hésitez surtout pas à glisser cette rondelle dans votre lecteur en ayant à l’esprit trois mots indispensables avant d’écouter du heavy métal de haut vol : PLAY IT LOUD !!! Et tant pis pour vos voisins…