Après lecture de la discographie de Jarboe, compositrice, chanteuse et claviériste américaine, il est difficile de ne pas être impressionné par le nombre d’albums enregistrés et celui des artistes (Neurosis, Jesu,…) avec lesquels elle a collaboré dans différents projets.
C’est au milieu des années 80 que débuta sa carrière en tant que membre actif du groupe étiqueté « post-punk » Swans avec qui elle sortit une dizaine d’albums, puis enregistra au moins autant sous son patronyme Jarboe depuis le début des années 90 appartenant dès lors à une catégorie musicale quasi-inclassable entre rock, ambiant et expérimental.
Accompagnée pour l’occasion par Cedric Victor, bassiste américain né à Bombay, ainsi que pas une pléiade de guests dont Philip Anselmo (Down, Superjoint Ritual, Pantera) et Attila Csihar (Mayhem) pour certains vocaux ou encore Josh Graham (Red Sparowes, A battle of Mice, Storm of Light) pour ses instrumentaux, Jarboe affiche un goût prononcé pour la religion indouiste sur "Mahakali" par l’évocation de Kâlî, déesse à la peau noire de la mort et de la destruction.
Voilà à peu de chose près ce qu’il peut-être intéressant de retenir quant à cette dernière production car en elle-même, la substance de cette galette est loin d'être aussi dense que celle de la carrière de l'américaine. Sous des formats musicaux parfois proches de l'incantation, Jarboe dérive dès le premier titre dans des délires vocaux et instrumentaux aussi peu convaincants sur les mélodies que sur la performance en elle-même. Entre l'espèce de brouhaha des guitares parfois noisy, dissonantes voire shoegaze, les vibratos miaulés à l'extrême par Jarboe ou même les gargarismes de Csihar, le tout dans des rythmiques répétitives et peu entraînantes, il est facile de comprendre que l'écoute des seize bizarreries tient plus de l'épreuve que du plaisir.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les titres les plus perfectibles laissent opportunément la part belle à ceux dont le potentiel s'avère le plus manifeste. Ainsi le lent et hypnotique postcore du pavé "Transmogrification", peut-être parce que moins tarabiscoté que ses confrères au même titre que le blues de "Mouth of Flames" et son torrent de cordes tristes, délivre une musique plus dans la norme favorisant l'avènement d'une émotion immédiate et donc l'esquisse d'un sourire de contentement jusque là perdu. De même avec "Overthrown" sur laquelle la grosse voix d'Anselmo empreigne cette ritournelle blues-rock.
"Mahakali" fait figure au final de sphère expérimentaliste à laquelle peu d'initiés seront invités (ou peut-être le souhaiteront). Un album en forme de point d'interrogation, trop déséquilibré quant à la qualité des titres, au contenu parfois vraiment surfait, frôlant le delirium très grossier. A ne pas mettre entre toutes les mains.