Ce nouvel album de "Queen" sans Freddie Mercury n'a pas manqué de partager la rédaction de Music Waves. Rick et Marc M y sont donc allés de leur chronique, aux avis bien différents bien évidemment.
Marc M - 7,5/10
--------
Après bien des controverses, l'association de Brian May et Roger Taylor avec Paul Rodgers sort enfin un véritable album studio. Les trois hommes ont enregistré l'ensemble seuls. Après tout, Taylor joue de tous les instruments (surtout guitare et basse, un peu moins bien des claviers) et Brian May était un claviériste compétent il fût un temps, sans parler de Paul Rodgers qui joue de la guitare et de l'harmonica.
On pouvait s'en douter, cet album s'avère très différent d'un album habituel de Queen, avec cependant pas mal de références sonores et parfois stylistiques du groupe. "The cosmos rocks" est plutôt un disque de rock'n'roll plus ou moins heavy, plus ou moins bluesy, avec pas mal de ballades dues à May, Taylor et Rodgers chacun de leur côté. En effet, on y reconnaît le style de chacun des musiciens. Tout est signé collectivement, cependant comme du temps des deux derniers albums studio de Queen. On parle déjà de l'influence de Paul Rodgers et elle sans aucun doute audible, mais c'est oublier à quel point les deux autres ont des racines dans le rock. May a d'ailleurs beaucoup puisé dans un heavy rock plus ou moins bluesy, avec une inspiration inégale d'ailleurs, pour son dernier album solo en date "A different world" en 1998, et même sur les albums de Queen comme "The works", et "Innuendo" ou même "The miracle".
"Cosmos rockin" en ouverture démarre avec une intro très similaire à celle de "One vision" ! Véritable clin d'œil ou bien autoplagiat ? Je penche pour la première solution. Le morceau proprement dit semble un hommage à Chuck Berry, genre "Something else" survitaminé, avec le gros son de guitare bien gras et saturé de Brian May, reconnaissable entre tous. "Still burning", est quant à lui un gros rock pas si éloigné de ce que Rodgers pouvait faire avec Bad Co avec, en plus, un côté très proche de "Tear it up" (sur "The works") au niveau du rythme et des riffs. "Warboys" est plus typique du style heavy metal de Roger Taylor avec néanmoins un coté bluesy marqué. "Time to shine" est plus varié et assez entraînant, avec un mélange acoustique/électrique.
Bref, on s'en doutait rien à voir avec le côté baroque de Queen et d'ailleurs, qui à part Mercury pouvait chanter une plaisanterie comme "I want to break free" ou le légendaire "Bohemian rhapsody" ? Faire chanter ça à Rodgers en live était une mascarade.
Ceci dit, il y a aussi pas mal de ballades et ce n'est pas un mal, après tout. Si "Some things that glitter" et "Through the night" sont un peu plates, d'autres sont plus inspirées, notamment l'acoustique "Small" assez intimiste au début, superbement adornée par la guitare de May, ou encore "I believe" (un titre de May ?), qui évolue en hymne, un des rares titres où l'on retrouve assez nettement la "patte Queen". Et enfin, on pourra retenir "Say it's not true", très certainement écrite par Taylor et chantée par lui en acoustique sur le live précédent. Elle est ici "queenisée", joliment orchestrée, avec les deux premiers couplets interprétés par Taylor et May respectivement, et le dernier par Rodgers, alors que le son prend de l'ampleur et que le morceau décolle réellement. Peut-être le seul moment vraiment émouvant du disque.
Là où l'album pêche vraiment, c'est avec le très country "Call me" (pourtant un des rares morceaux bénéficiant des fameuses orchestrations de guitare électrique de May !) suivi d'un blues acoustico-électrique lancinant et répétitif, sans véritable mélodie ("Voodoo"), un enchaînement assez pitoyable. "Something that glitters" qui démarre au piano est sympa mais fait néanmoins encore un peu country par moments (et démarre par "I once loved a butterfly" !), avec un trop court solo et quelques petites harmonies orchestrales de May. C'est avec "C-lebrity" que le niveau remonte enfin. Le premier single issu de l'album déménage sec, avec un très bon refrain aux chœurs typiques de Queen mais interprétés en majorité par Taylor. On y retrouve d'ailleurs la fois la patte du batteur et celle de Brian May (il rappelle un tantinet les morceaux de l'époque "The game" et "The works").
L'album se termine plutôt décemment mais sans surprise : "Surf's up…school's out" (encore un titre intellectuel !) renoue avec la veine heavy moderne (quelques synthés, une basse étrangement distordue) que May a développé depuis pas mal d'années et ce titre, franchement lourd par instants, est aussi très accrocheur, avec un beau break apaisé au centre et encore des chœurs démultipliés signés Taylor. Une petite reprise de "Small" clôture le CD.
Il ne fallait pas trop en attendre de ce disque qui contient quelques très bons moments. Si côté originalité, c'est le zéro pointé, côté textes, il ne faut pas faire le difficile non plus. Rodgers n'est vraiment pas un grand parolier. Taylor et May remontent un peu le niveau mais ont, eux aussi, ont fait bien mieux. Enfin… les deux vétérans de Queen l'avaient dit dès le début de leur collaboration avec Paul Rodgers : le but était de se faire plaisir et de jouer sur scène. Ce n'est pas moi qui leur en voudrait pour cela mais par contre, cela n'empêche pas d'écrire davantage de mélodies marquantes. Et mettre le nom "Queen" là-dessus me semble tout à fait inapproprié. Ah, au fait : l'album est dédie à Freddie…
A noter qu'il existe une très belle édition spéciale en Digibook luxueusement cartonné qui inclut un beau livret richement illustré et surtout un DVD live du groupe au Japon, comportant 15 titres pour un peu moins d'une heure dont notamment le rare hymne "Teo toriatte" (de "A day at the races") chanté en majorité par May et un peu massacré par Rodgers et les inattendues "I was born to love you" (en duo, acoustique) et "these are the days of our lives" (chantés surtout par Taylor - qui a encore une sacrée voix !). C'est bien filmé, bref on aurait aimé tout le concert.
Rick - 3,5/10
-----
Vaste débat que ce "The Cosmos Rocks". D'une part, les extrémistes vous diront que sortir un album en utilisant le nom de Queen n'est qu'une vaste opération commerciale que, Queen sans Freddie Mercury, c'est plus Queen et que ces trois gaillards méritent d'être pendus haut et court. De l'autre, les modérés y verront les points positifs comme le fait que ce nouvel album est l'occasion de revoir les membres de la Reine sur scène, que Paul Rodgers apporte une nouvelle dimension à leur musique et patati et patata.
Je tâcherai de me dégager de mes convictions personnelles dans cette chronique même si, en tant que fan inconditionnel de la formation originale, la sortie de ce nouvel album m'a fait mal au coeur.
Comme le souligne Marc M dans sa chronique, cet opus sonne comme un recueil de ballades plus ou moins réussies, avec une orchestration plus ou moins banale et des paroles carrément dénuées d'originalité. C'est un fait : Paul Rodgers était annoncé comme le Messie venu renouveler la musique du groupe en lui donnant une nouvelle direction... Une nouvelle direction, d'accord ... Mais était-il utile d'emprunter une autoroute à sens inverse à du 120km/h? Je m'explique.
Souvenons-nous des superbes ballades que May et Taylor étaient capables d'écrire dans les années '70 ('39 pour ne citer que celle-là). Comparons la maintenant avec (au hasard...) "Some Things That Glitter" ou "Through The Night". Le seul adjectif qui me vient à l'esprit est "plat". Inspiration: 0. Intérêt: 0. Même avec toute la bonne volonté du monde, je ne peux m'empêcher de penser que le groupe faisait mieux "avant". Certes, c'est par endroit bien ficelé. Certes, tout n'est pas complètement raté. Mais nous parlons d'un groupe qui a une histoire tellement importante qu'il est presque impossible de la laisser de côté et de se contenter de ces quelques pauvres compositions.
Alors oui, il est difficile d'imaginer que le groupe ait pu laisser de côté ce qui avait fait d'eux les "Princes de l'Univers". Difficile de comprendre pourquoi le Show semble subitement s'être arrêté. Cet album risque fort de "mordre la poussière". Mais ça, ce n'est pas moi qui m'en plaindrai. J'avais promis d'essayer d'oublier qu'il s'agissait d'un album de Queen. C'était trop compliqué. Point positif par contre, ma déception est à la hauteur des attentes que j'avais placé en ce nouveau CD ... C'est-à-dire, pas grand-chose.