En cette fin des 60's, il est bien dur pour un groupe de rock de se faire un nom face aux super-stars qui occupe le terrain. C'est donc un peu confidentiellement que Wishbone Ash sort un premier album en 1970. Il faut être ouvert pour daigner jeter un oreille sur cette musique rock qui n'est pas progressive, pas hard, pas métal, et même pas pop !!!
Wishbone Ash est un quatuor formé du duo rythmique habituel, bassiste et batteur, et de deux guitaristes. Le son si particulier de cette formation vient de ces deux guitares qui ne jouent pas l'une en lead et l'autre en rythmique, mais qui sonnent toujours à l'unisson ou en chorus. La courte pièce d'ouverture Blind Eye en est une parfaite illustration. Ce titre très boogie voit les deux guitares s'entrecroiser, se poursuivre et se répondre sur fond de piano. Fait remarquable, le joueur de piano n'est pas crédité sur le vinyle original alors qu'il s'agit de Matthew Fisher, membre fondateur de Procol Harum (il y laissera sa place à Gary Brooker en 1970). A l'époque, les vedettes n'avaient pas la grosse tête !!
Le titre suivant, Lady Whiskey, exploite cette veine de blues-rock très groovy mettant encore plus à l'honneur la complicité des deux guitaristes même sur ces envolées que l'on nomme habituellement "soli". La troisième compo (Errors Of My Way) met en évidence une autre particularité du groupe : le chant multivoix. En effet, il n'est pas rare d'entendre Andy Powell et les deux Turner (qui n'ont aucun lien de parenté !) mêler leur voix sur les parties chantées. Ils exploiteront d'avantages ce filon dans leur deuxième album "Pilgrimage".
Mais ce premier album est surtout devenu culte grâce à ses deux derniers longs titres (près de 22 minutes à eux deux) qui se partageaient la face B du bon vieux 30cm de 1970. Handy et Phoenix seront les incontournables de tous les concerts de W A dans les 70's et ils le restent encore aujourd'hui. Le premier débute sur une mélodie égrenée à la basse pendant 1'30 sur un rythme lent, les guitares venant progressivement se poser sur cette ligne. Vers 5'30 le rythme s'accélère et le titre s'enflamme jusqu'à la huitième minute où un solo de batterie marque un break, laissant le morceau se terminer sur des accents très jazzy !! Phoenix reprend un peu le même schéma du début lent et du final endiablé, mais les guitares y sont plus bluesy avec notamment un passage à la 'wahwah'. Les cinq dernières minutes permettent à Andy et à Ted de se livrer un dernier duel guitaristique mélodique à souhait et bourré de clins d'oeil.
L'édition CD offre en bonus une version live de Jailbait qui est un excellent titre du deuxième album de Wishbone Ash mais qui a le défaut, dans le cas présent, de ne plus laisser l'auditeur sur cette fin splendide de Phoenix. Libre à vous d'arrêter l'audition de cet album avant la fin, mais surtout écoutez le et découvrez le groupe qui nous donnera deux ans plus tard le magique "Argus".