Dame Facilité est une trainée. En effet, la posséder est aisé, mais elle amène à postériori la même mauvaise conscience qui vous titille et que l’on refoule honteusement en se disant que bon, pour une fois, personne n'est parfait… Si je vous dis cela c’est que cette pensée m’a traversé l’esprit à l'écoute de cet opus. Pourtant en découvrant qu'Edu Falaschi, chanteur emblématique d'Angra, sortait un (déjà deuxième) album avec un autre groupe à l’heure où l’on parle (à tort ou à raison) de la fin du groupe brésilien, ma curiosité fut bien vite mise en éveil.
Première info, le nom du groupe, Almah, mot hispanique pour « Âme », m’informe que l’objet n’est pas vraiment porté sur la gaudriole. En effet, il est ici question de l’équilibre qui régit les forces de la nature. Un sujet écologico-engagé plutôt honorable, mais les adeptes des plus ou moins concept albums florissants ici et là savent que souvent une telle trame cache certains manques d’inspiration. Mais ne soyons pas pessimistes.
Après quelques passages dans mes conduits auditifs, Almah ne m’a laissé qu’une impression très moyenne, rappelant à mon bon souvenir des caractéristiques que je n’aimais déjà pas chez Angra. Premier point, la batterie qui sonne de manière abominable sur certains passages (refrain de "Magic Flame", catastrophique). Le batteur est certes bon, avec une très bonne précision, mais cette tendance à la double pédale et au son de boite de conserve est passablement rédhibitoire. De plus, et c’est encore un point commun avec les collègues d’Edu, les guitares semblent un peu sous-mixées, et certains riffs perdent beaucoup d’impact de cette manière, et c’est bien dommage car du riff il y en a (sur "I'll Understand" par exemple, ou encore "Birds Of Prey").
Je dois donc l’avouer, après ces quelques écoutes, mon envie d’écrire que cet album n’était qu’une pale copie d’Angra, et d’enchainer avec le sempiternel débat sur l’intérêt d'une telle démarche faillit l’emporter sur ma bienveillante conscience professionnelle (Dame Facilité à ses charmes, aussi). Cependant, grâce à celle-ci, vous lirez cette chronique certes plus tard que prévu, mais également agrémentée de petites nuances salutaires.
En effet, après une mauvaise impression, j’ai préféré revenir sur l’album un peu plus tard, avec moins d'à priori Angrasque. Dès lors l’album m’a révélé ses points forts. Le premier est la musicalité... Toujours présente, elle prend notamment de l’ampleur lors des soli qui interviennent toujours à bon escient et avec intelligence ("Magic Flame"). Deuxième point fort, on retrouve sur l’album une étonnante présence des claviers. Ceux-ci sont efficaces bien qu'effacés, et donnent à l’opus une tonalité symphonique très appréciable, évitant ainsi l’écueil de la lourdeur. Le résultat peut par exemple donner plus de force à une semi-balade, comme sur "Invisible Cage", ou encore donner un peu d’ampleur aux morceaux plus speed pour un résultat épique ("Meaningless World"). Inutile de préciser qu’Edu est en grande forme vocale, et que son chant colle naturellement aux chansons, ce qui donne une cohérence finalement assez rare.
Au final, "Fragile Equality" est un bon album de metal, mélodique et attachant. Il est évident que la comparaison avec Angra ne rend pas justice à cet opus qui trouve plutôt ses bons moments dans les passages ou le clavier est présent. En tous cas, voila qui plaira à tous les inconditionnels du genre, à condition de s’y intéresser plus que s’il s’agissait d’un simple side-project.