Quoi de neuf dans la musique en France ces temps-ci? Allons voir du côté de Lyon, ville qui abrite un jeune groupe nommé czAr. C’est en 2001 que l’histoire commence pour ce trio très doué. Surdoué même, car après seulement six mois d’existence les concerts s’enchainent déjà. Et presque deux ans jour pour jour après la création du groupe, celui-ci fait la première partie de REM lors du festival "les Côtes du Rock", on a déjà vu plus mauvais départ… En 2007 et 2008 sortent respectivement Another Kind Of Fortune et Depth Or Intensity, leurs deux véritables premiers albums et, cerise sur le gâteau, czAr sera présent sur la B.O du film de Patrice Leconte, « La Guerre des Miss », avec Benoit Polvoorde.
L’album A Charming Fragment, reprend la quasi-intégralité de l’album Depth Or Intensity et est complété de trois titres de Another Kind Of Fortune plus un live. Une compilation en quelque sorte. Pour être tout à fait complet dans la présentation, il vous faut savoir que le groupe se compose de trois musiciens avec Anthony (Anthon) à la guitare et au chant, Jérôme (Jay) à la basse et aux chœurs et Kevin (Grohlinocéros) à la batterie.
Passons à la musique sans tarder, et stupeur! bien que l’enregistrement soit signalé comme étant « maison, avec les moyens du bord», le son est clair, la voix bien dosée et les instruments très bien mixés. Le premier titre balance la sauce d’emblée avec un « Messiah Is A Pixie » jovial et rythmé qui débute de manière acoustique pour muter en une entité punko-grunge. La voix de Anthon est très bien posée et s'avère être un vrai point positif chez ce groupe. Son chant peut être aussi bien déchiré, torturé et plaintif, comme dans « Heartburns » que théâtral, presque joué (« Septembre »). La parenté avec un certain Mike Patton, dans un grain de voix certes différent, est patent. « Heartburns » ou « Septembre » avec leurs ambiances dissonantes et presque malsaines font indiscutablement penser à Mr Bungle.
Le côté grunge du groupe ressort dans l’utilisation de structures « simples » avec accord de puissance et saturations bien grasses ( « Ashamed Comedy »), ainsi que dans les textes sombres. C’est System Of A Down (autant dans le style du chant que la musique) qui vient à l’esprit dans « Proxima Space Enigma », un titre court mais à haute densité, ou bien lors du refrain de « Ambitious Loophole ».
La créativité du combo leur permet de proposer des morceaux tous assez différents et on retrouve de nombreuses inspirations progressives, dont les influences pourraient être à chercher du côté d’Oceansize ou Amplifier. En effet, « Martian Walk » avec ses multiples cassures rythmiques ou l’excellent « Hereditarily » avec son faux rythme lors du couplet, rappellent la musique des mancuniens, la facette atmosphérique en moins. La seule ballade de l’album, « Sex War », une acoustique dans laquelle la voix d’Anthon fait des merveilles est idéalement placée en milieu de galette.
Chaque titre est bâti autour d’un son approprié et d’une voix qui donne au morceau sa signature. Le vertige que cela crée chez l’auditeur est assez troublant car il ne vous laisse pas le temps de vous familiariser avec une séquence qu’une autre, différente, la remplace. Un dénominateur commun entre tous ces morceaux, la volonté de puissance et un talent qui rayonne avec des refrains immédiats et entêtant, comme sur « Septembre » par exemple. Le talent est encore plus manifeste dans « Injected Boil », un morceau presque indus, qui démarre avec une basse ronflante et qui débouche sur un rythme lent et lourd, ainsi que sur la pépite au refrain aérien qu’est « Hereditarily ». Enfin, « If I Lose It Again » fait une belle démonstration de chant très bien contrôlé et parfaitement secondé en chœur. Sa structure paraît simple mais c’est terriblement efficace, comme empreint d’une certaine évidence.
La seule ombre au tableau n’est pas l’extrait live de « Whispers » au son inaudible mais la durée de l’ensemble de l’album. Moins de 38 minutes pour douze titres, ça fruste son homme, surtout quand les compositions sont de qualité. Alors les gourmands pourront écouter l’album deux fois au lieu d’une, mais le potentiel de ce groupe ne peut que nous laisser dans un grand désarrois quand la lecture de « Infected Boil » ou « Hereditarily », pour ne citer que ces deux excellents titres, prend fin. On se dit que deux ou trois minutes de plus ne nous auraient pas déplu.
L’esprit de concision ne peut qu’être mis au crédit d’une volonté d’aller droit au but. Attitude judicieuse pour un premier album. Mais maintenant que l’on est au parfum, on ne peut qu’attendre beaucoup de cette jeune formation. On espère que czAr saura affiner ses influences pour gagner en homogénéité et pourquoi pas, creuser le sillon progressif de manière plus franche. En tout cas, le plus important, czAr le possède déjà. Soyez sûr que Music Waves sera le premier à vous avertir lorsque czAr poussera son prochain cri.