Parfois, souvent même, quand on est un chroniqueur consciencieux, il convient d’écouter un album de nombreuses fois avant de relever ses manches, de se cracher dans les mains (éviter l’inverse) et de tracer de sa plume inspirée, quelques arabesques bien senties, sur sa page d’une angoissante blancheur jusqu’à cet instant divin où jaillit la flamme créatrice. (prétentieux pompeux…)
Ce nouvel album d’Honeymoon Suite en est le vivant exemple. Mon analyse de l’objet ne s’acheva pas au bout de deux ou trois écoutes. Fort heureusement, car la sentence aurait pu être chagrinante. Car en effet, il me fût particulièrement difficile de pénétrer dans cet opus, d’en discerner les qualités, de me fondre dans ses ambiances. Cette particularité est plutôt rare dans le petit monde de l’AOR. Car c’est une évidence, nous avons à faire ici sans équivoque à du doux, du gentil, du tranquille, ce la plupart du temps. Parfois même, les spectres de Daniel Powter et de James Blunt nous frôlent de leurs évanescences diaphanes. (poète fauché…)
Ceci dit, quand on s’appelle « la suite pour lune de miel », on ne s’attend pas vraiment à ce que vous débarquiez, en peaux de bêtes, à grands renforts de double pédale et de riffs bourrins, en hurlant que « craignez le chef de la horde, il aiguise sa francisque sur un tas d’os ! ». (taquin…) M’enfin, ce "Clifton Hill" est tout de même un peu cotonneux du ménisque.
Pour ceux qui découvriraient le groupe - personne ne peut leur en vouloir, car même si celui-ci a 25 ans de carrière il n’a sorti que sept albums studio - ces gens sont des canadiens dont l’association de bienfaiteurs naquit en 1983 à…Clifton Hill. Ce lieu, proche des chutes du Niagara est la capitale des lunes de miel... Quand on sait que sur cet album on retrouve exactement la formation originale, ça sent un brin le retour aux sources, du Niagara bien entendu. (comique troupier…)
Ha mais c’est que 25 ans ça se fête !... Que de souvenirs… Les tournées gigantesques avec Journey, Aerosmith, Status Quo, Night Ranger ou Bryan Adams, la sixième place dans les charts canadiens avec le second album "The Big Prize" ! Alors, pour glorifier ce quart de siècle d’existence, quoi de plus marquant que de faire un disque après un silence de six ans.
"Clifton Hill", après quelques écoutes attentives, apparaît donc comme un disque correct, qui ne pourra néanmoins se classer dans les meilleures productions du groupe, la faute à une production peu étincelante et de trop nombreux titres pas emballants. On pense par exemple à « She Ain’t Allright » malgré son court mais mélodieux solo et son petit côté Night Ranger, le rythmé « The House », le cadencé « Down To Business » dont la mélodie déçoit, le peu convainquant "Riffola" et le limite insipide « The Garden ». A contrario, question satisfactions, on peut par exemple noter le très bon, et plus hard « Tired Of Waiting », le magnifique et calme « Ordinary », l’apaisant « Why Shoud I » et le popisant « That’s All You Got ». Quant aux autres titres, classons-les au rayon « passable » si vous me permettez ce raccourci.
Voilà chers lecteurs, vous avez compris que vous n’alliez pas vous malmener les cervicales en headbangeant sur cette œuvre, pas la peine de cambrioler un magasin de minerves. (amuseur public de cabaret de quat' sous...). Par contre, même si Honeymoon Suite nous propose ici un album qui comporte des moments agréables, si j’ai un conseil à vous donner, dans le style, jetez plutôt une oreille sur le dernier Loverboy (« Just Getting Started »), vous verrez alors ce que c’est que d’être vieux et d’assurer.