QE2 comme Queen Elizabeth II, QE2 comme le bateau du même nom dont les flancs sont stylisés sur une des pochettes les plus moches de l'histoire du rock. QE2 enfin, où la poursuite de la démarche entamée par Mike Oldfield avec Platinum, à la recherche d'un côté plus commercial, sous forme de titres plus courts.
A l'aune des années 80, Mike Oldfield entame donc le virage de la modernité, mettant notamment en œuvre le Taurus, sorte de précurseur des synthés numériques, capable de reproduire à peu près n'importe quel son. Malgré cela, les ingrédients de la musique oldfieldienne restent bien présents sans véritable point de rupture avec le passé, mais plutôt sous forme d'une évolution maîtrisée : nombreux passages celtiques (dont le bien-nommé Celt), pléthore d'instruments avec notamment un quatuor à vent efficace (QE2), un ensemble de cordes (Wonderful Land), et une liste d'invités prestigieux (Phil Collins) ou en devenir (Maggie Reilly et le fabuleux percussionniste Mike Frye, ou encore Tim Cross aux claviers).
Musicalement, l'album s'articule autour de ses deux titres phares, Taurus 1 et QE2. Le premier ouvre le bal dans une atmosphère évoquant Incantations saupoudré d'Ommadawn, avant que la frappe lourde de Phil Collins n'entraîne le titre sur un rythme quelque peu pataud, heureusement contrebalancé par les raids de guitare lumineux de Mike Oldfield. Variant habilement les ambiances et les thèmes, le morceau se termine de façon sublime, au rythme des percussions africaines qui serviront de fil conducteur à l'album tout entier. De son côté, QE2 va tutoyer les sommets : une entame pastorale, un dialogue entre la guitare électrique et les autres instruments, une section de cuivres qui donne une pêche formidable, soutenue sur la fin par des coups de timbales infernaux. Quant au final, il rappellera à tout le monde que Mike Oldfield est un guitariste hors pair.
Coincés entre ces deux sommets, le reste des plages évolue malheureusement un cran en-dessous. Pour ses débuts avec Mike Oldfield, Maggie Reilly hérite d'un Sheba peu inspiré, tandis que Conflict tente un remake des guitares saturées façon Hergest Ridge, sans trop de succès malgré un passage piqué à Bach lui-même ! Arrival en reprise instrumentale d'Abba, ou encore Wonderful Land et sa mélodie accrocheuse, puis Mirage tout droit hérité de la mouvance Platinum feront passer un agréable moment, toutefois loin d'être mémorable. Après la beauté magnifiée de QE2, la fin de cet album plutôt court composée de Celt et Molly fera redescendre l'auditeur tout doucement sur terre
Malgré 2 ou 3 titres quelque peu quelconques, QE2 reste un bon album introduisant nombre d'ingrédients (Maggie Reilly, le Taurus, le futur groupe qui accompagnera M.O.) de la future trilogie à succès de la première moitié des années 80 (Fives Miles Out, Crises, Discovery). A découvrir donc.