A peine une année après la sortie du fabuleux « The Mirror Palace », les belges d’Oceans of Sadness battent le fer tant qu'il est chaud en proposant un cinquième opus (en huit ans) qui mériterait d’être celui de la consécration d’un groupe malheureusement trop méconnu... Très certainement la faute d’une distribution et une promotion frileuse d’un label loin d’être au niveau du talent des artistes signés.
Dès les premières notes de ce nouvel opus, les grandes lignes de ce qui plaît dans ce combo sont reprises à savoir un death progressif aussi inspiré qu’il est varié, alternant passages métal prog mélancoliques comme on peut en entendre chez Pain of Salvation et death prog rageur à la manière d’un Opeth. Les exemples ne sont pas pris au hasard, le chant clair de Tijs Vanneste rappelle ouvertement la tessiture d’un Daniel Gildenlöw et en matière de death progressif, même si la musique d’Oceans of Sadness est incomparable, celui proposé se rapprocherait le plus des plans contrastés de la bande à Åkerfeldt, un zeste de folie en plus.
L’ambitieuse mission de ce nouveau chapitre, « The Arrogance of Ignorance », débute par une longue inspiration de Tijs Vanneste nous incitant à en faire de même pour une immersion dans les profondeurs d’un univers schizophrénique, tourmenté, oscillant entre une agressivité exacerbée avec ses explosions apocalyptiques et une douce mélancolie passagère.
A cet égard, tous les titres relèvent d’une schizophrénie latente que ce soit les apparemment calmes « From Then On » ou violents « In the End » (dans lequel apparaît Annlouice Loegdlund de Diablo Swing Orchestra) n’augurant en rien des évolutions antinomiques qui les clôturent. En effet, excepté le final acoustique instrumental « Hope » d’une extrême mélancolie, censé évoquer l’espoir concrétisé par le souffle final de Tijs Vanneste émergeant de son long cauchemar, les neuf autres morceaux sont des titres à tiroirs d’une richesse rare. A croire que le fol espoir d’Oceans of Sadness est de prendre sans cesse son auditoire à contre-pied même si certains titres annoncent la couleur comme sur « Some Things Seem So Easy » où la mélodie popisante introductive pouvant évoquer U2 est loin de refléter la teneur global du morceau.
Ainsi, de l’introductif « Roulette » et ses claviers typés Deep Purple au final acoustique mélancolique « Hope », de l’entêtant « Subconscious » évoluant progressivement vers un black symphonique avec notamment ses ambiances malsaines dégagées par des claviers grandiloquents et le chant de Johan Liiva (ex-Arch Enemy et actuelle Hearse) au monstrueux « The Weakest Link » au riff initial catchy en diable s’affolant à la faveur d’un break étourdissant de variété avec notamment une partie intimiste aux accents jazzy, les dix morceaux constitutifs de ce « The Arrogance of Ignorance » pourraient tous faire l’objet d’une description précise tant ils sont denses et intenses.
Au final, Oceans of Sadness nous livre tout ce que le death prog peut proposer de meilleur à la faveur d’incessants contre-pieds en plein cœur d’un univers death malsain comme en atteste l’artwork de Seth Siro Anton (Septicflesh) mettant en exergue le tiraillement de l’être humain. L’unique bémol, si l’on peut dire, est que les belges nous resservent un album à tiroir dans la droite lignée de « The Mirror Palace » à savoir une recette qui n’a pas varié d’un iota pour la plus grande joie des encore trop peu nombreux fans d’Oceans of Sadness. Cependant ce relatif manque d’originalité est largement compensé par le fait que toute la rage des belges opère dans des titres d’une richesse extrême et imprégnés d’une douce folie… Nouvel album, nouvelle claque, un must à posséder pour tout amateur averti et vacciné de death progressif qui trouvera dans Oceans of Sadness un patient dont l’état nécessite la plus grande attention tant sa dangereuse pathologie est contagieuse !