Jack Foster III, guitariste-chanteur américain, nous propose en cette fin d’année 2008 son quatrième album, « Jazzraptor’s Secret », toujours en association avec Trent Garnder (Magellan) aux claviers et Robert Berry. Ses précédentes productions ayant été diversement appréciées chez Music Waves, l’abord de ce disque ne s’est pas fait sans une certaine circonspection : rock FM à tendance progressive sans intérêt majeur (« Raptorgnosis », 2005, et « Tame Until Hungry », 2007) ou jazz-rock progressif enthousiasmant (« Evolution of Jazzraptor », 2004) ? La question devait être posée, et comme souvent, la réponse jouera sur les nuances.
La présence du fameux Jazzraptor dans le titre laisse présager un retour aux ambiances indissociablement jazzy et progressives qui avaient fait la qualité du premier album ; mais avant que de nous emballer, écoutons plutôt les morceaux en question. Et force nous est de constater que ce disque présente une particularité toute surprenante pour son degré de systématisation, qui est d’osciller sans cesse entre (très) bons morceaux et titres beaucoup plus moyens.
De manière générale, ces derniers sont ceux qui accusent un format pop prononcé, couplet/refrain et chant passe-partout, climat plutôt acoustique, parfois rehaussés de courts soli ne suffisant malheureusement pas à chasser une fâcheuse impression de redondance et de facilité. "To Have And To Hold" est exemplaire de cette tendance, qui finirait presque par nous faire regretter les ballades sucre candy d’un Neal Morse en petite forme. Ces morceaux n’en sont pas moins agréables, surtout lorsqu’ils visent une certaine complexité, mais le chant, prépondérant, s’approprie totalement l’espace sonore au dépend de parties plus instrumentales dont nous percevons les prémisses mais qui ne sont jamais développées autant qu’elles le pourraient. "Dreaming Not Sleeping" n’est pas loin de réussir le pari, avec une instrumentation un peu plus conséquente et quelques velléités solistes (guitare électrique, puis piano) tout à fait convaincantes ; mais le soufflé ne cesse de gonfler pour immédiatement retomber. "God and War", malgré une habile utilisation des voix (l’ombre de Queen plane sur ce morceau) et une structure plus progressive, joliment lyrique parfois, ainsi qu’ "Inspiration", tout à fait indigent, ne méritent eux aussi qu’une écoute rapide dont vous ne tirerez pas grand plaisir, j’en ai peur.
Par contre, les cinq autres morceaux – oublions "Jazzraptor’s Secret", inutile – valent incontestablement le détour. L’aspect pop-rock FM américaine reste présent, mais est cette fois-ci parfaitement intégré à des compositions plus variées, empruntant au jazz ("The Corner", "Sometimes When You Win") comme au métal progressif ("Outbreak Monkey"), et jouant sur la diversité des climats. Jack Foster montre enfin l’étendue de son talent à la guitare, avec de superbes soli, acoustiques ou électriques selon l’effet recherché. Les mélodies, si elles restent assez faciles, bénéficient d’arrangements plus complexes, dont les claviers sont rarement absents. Trent Gardner trouve en effet dans ces morceaux un espace d’expression privilégié, à l’image de l’introduction de "Mandelbrot World", mélancolique, puissante et lyrique avec la superposition très réussie d’arpèges au piano et d’un court contre-chant au synthétiseur ; introduction relayée par une partie plus jazzy portée, là encore, par le piano.
"Mandelbrot World" synthétise d’ailleurs à lui seul l’ensemble des qualités du trio et détermine efficacement son identité, entre rock progressif ultra-mélodique, pop-rock électro-acoustique inspirée et jazz discret mais bienvenu. Pour son côté plus électrique, lyrique et violent à la fois, proche du métal progressif (au moins pour le riff introductif qui réapparaît plusieurs fois au sein du morceau), il faut à tout prix écouter "Outbreak Monkey", vocalement surprenant dans les couplets mais tout à fait convaincant dans les parties instrumentales (le solo croisé orgue/guitare situé au milieu du titre, pour court qu’il soit, est particulièrement jouissif). Et s’il ne paraît pas très cohérent de parler d’identité après cette énumération des genres explorés, il n’en reste pas moins que l’impression d’unité stylistique est très prégnante ; sans doute est-ce dû à la voix de Jack Foster, facilement identifiable malgré son aspect formaté FM, et à l’alternance systématique d’ambiances acoustiques et électriques, les deux se superposant souvent, notamment dans les meilleures pièces ("The New American" par exemple, ou encore "Sometimes When You Win", carrément jazz par instants avec l’introduction d’un sympathique solo de cuivre).
« Jazzraptor’s Secret » n’est donc pas un album essentiel mais ses qualités sont suffisantes pour que vous lui portiez un minimum d’attention, qu’il mérite très certainement. A condition de ne pas vous attarder sur les pistes les plus courtes (l’avantage étant qu’elles passent plus rapidement… en voici une nouvelle révolutionnaire !), vous devriez vivre un moment tout à fait agréable.