Malgré une carrière et une discographie longues comme un jour sans pain, les témoignages live de Mike Oldfield sur CD sont plutôt rares. Certes, on trouve bien de ci de là quelques bootlegs au son plus ou moins acceptable, mais côté officiel, hormis la « Live Side » sur la compilation The Complete, on ne trouve trace de tournée que sur le double Exposed, série de concerts ayant suivi la parution d'Incantations. Et pour l'occasion, le maestro avait fait les choses en grand, puisqu'aux traditionnels instrumentistes rock, déjà bien nombreux pour pouvoir jouer toutes les parties en direct, il avait adjoint un orchestre symphonique. Tournée de la démesure scénique ... et incroyable fiasco financier... Il n'empêche, le témoignage sonore de cet évènement (aujourd'hui complété par une version DVD) reste un moment suffisamment rare pour que l'on y prête toute notre attention.
Au menu de ce double album, Tubular Bells, Incantations, et une version enlevée de Guilty, single aux accents disco dans sa version originale, servi ici avec une énergie et un accompagnement vraiment convaincants. Quant aux deux longues suites, Mike Oldfield les a complètement retravaillées pour coller à sa formation de scène.
Incantations a tout d'abord subi une véritable cure d'amaigrissement, sa durée étant quasiment divisée par 2 par rapport à sa version originale, sortie peu de temps auparavant. Les plus réticents à cet album ne s'en plaindront guère, tant les longs thèmes développés notamment dans les parties 2 et 3 auraient eu du mal à passer l'obstacle de la scène. Du coup, on retrouve une version condensée dans laquelle on ne s'ennuie pas une seconde. L'orchestre symphonique colle parfaitement à l'ambiance bucolique, et les percussions tenues par deux pointures du genre (Pierre Moerlen et Mike Frye) accompagnent avec bonheur les différents thèmes. Inutile de parler des interventions toujours aussi lumineuses de Mike Oldfield à la guitare, leur simple évocation suffisant à faire frissonner l'échine.
Du côté de Tubular Bells, on retrouve des ingrédients similaires. Si la première partie reprend plus ou moins fidèlement les thèmes originaux, l'orchestre se substituant régulièrement aux instruments initiaux, la partie 2 est sérieusement chamboulée : plus courte, avec des passages par moment méconnaissables, c'est un véritable bonheur qui glisse entre les oreilles et qui offre une lumière nouvelle sur cette « 2ème face » souvent moins connue que sa consœur du recto.
Les heureux possesseurs des albums studio retrouveront ici ce qui fait tout l'intérêt du live : des versions différentes des albums studio, des musiciens en forme mais produisant néanmoins quelques pains non supprimés au mixage, et la présence de l'orchestre symphonique apportant de nouvelles sonorités à des suites pourtant ultra-connues. Et contrairement à sa dernière œuvre (Music of the Spheres) dans laquelle on attend en vain le décollage, le mariage du symphonisme classique et des instruments rock porte ici ses fruits, couvrant toute une palette sonore entre finesse et puissance. Nous sommes bien loin des sorties actuelles sous forme de best-of bourrés d'overdubs, copies fidèles ou presque des albums studio sur lesquelles on n'aura finalement greffé que quelques salves d'applaudissements.