Le blues, qui plus est hexagonal, compte dans ses rangs un bon nombre d’artistes dont la renommée a depuis belle lurette dépassée nos frontières. Jean Jacques Milteau fait partie de cette catégorie. Cet harmoniciste de haut vol entretient un lien étroit avec la patrie du blues et ses nombreux voyages aux Etats Unis lui ont permis d’acquérir une grande expérience dans ce domaine. Entre autre, Jean Jacques Milteau a collaboré avec la fine fleur de la variété française, notamment Eddy Mitchell et Jean Jacques Goldman.
"Soul Conversation", son nouvel album, ne transige pas à la règle. Toujours épaulé par son fidèle ami et guitariste Manu Galvin, Jean Jacques Milteau nous fait emprunter une route sinueuse qui mènera sur les rivages du capricieux Mississipi. Ce blues delta tant chéri par ce musicien resplendit magistralement sur "Soul Conversation".
En effet, les quatorze compositions de cet opus ont le grand privilège de faire vibrer, quelque en soient leurs tessitures. Les doubles croches et autres harmoniques soufflées par le maître retentissent aussi chaleureusement que naturellement sur le titre d’ouverture, un "Wooosh" instrumental inspiré, gonflé et chaloupé qui s’incruste immédiatement dans les tympans. Le tandem vocal, intronisé dès le deuxième morceau, est assuré par deux chanteurs américains dont les reflets "soul" et "Rythm And Blues" ne font que renforcer une accroche des plus prometteuse. Après un "Rock’n’Roll Will Never Die" aux consonances généreusement acoustiques, la complicité entre Jean Jacques Milteau et ses musiciens accentue tout l’intérêt et la réussite de "Is This The Way", prenant à souhait au point de tourner en boucle. La guitare de Manu Galvin encense littéralement et le duo vocal met en évidence toute sa complémentarité.
Et sur le terrain des reprises, Jean Jacques Milteau se permet d’y apporter sa touche personnelle et authentique. Comment rester de marbre face au "You Can’t Always Get What You Want" des Rolling Stones dans une version épurée au possible, mais qui procure à ce titre une profondeur très "soul" que la bande à Jagger a mis de côté en son temps. Quant à la version du "Long Gone Time" de David Crosby, son côté particulièrement rythmé et groovy (que ne renierait pas un certain Canned Heat) lui confère une dose d’originalité bien réjouissante. Evidemment, JB Lenoir est également à l’honneur et son "Down In Mississipi" intense et fidèle tient une place de choix sur "Soul Conversation".
Mais ce type d’album ne peut se résumer à quelques phrases, tant son contenu est dense et attirant. D’autant plus que Jean Jacques Milteau ne s’y impose pas en véritable leader, mais plutôt en fin accompagnateur garant de ses influences très maîtrisées. Même si son souffle honore chaque titre de "Soul Conversation", l’impression d’être en face d’un véritable groupe reste prépondérante, surtout au fil des écoutes répétées de cette œuvre blues/soul teintée de rock tout bonnement irrésistible.
Cette nouvelle galette parvient à réunir les qualités indispensables à un album de blues. Beaucoup de finesse, de générosité et de talent sont le résultat du travail fournit par ces musiciens. Cette production est taillée sur mesure pour affronter les méandres et autres interrogations que seul le temps peut se permettre de réserver. Et surtout, "Soul Conversation" recèle un feeling intact reposant sur des proportions profondément humaines. Un pur régal à consommer sans modération.