In The Fishtank est le projet créatif démarré en 1996 par le label néerlandais Konkurrent, visant à réunir pour chaque nouvelle mouture deux artistes, sur deux jours de studio, en laissant libre cours à leur esprit fertile. Sur ce même principe ont d'ailleurs déjà participé des formations prestigieuses du nom de Sonic Youth ou Tortoise.
Pour ce quatorzième split, il s'agit de mettre face à face le post-hardcore des américains d'Isis au rock alternatif des écossais d'Aereogramme, et qui finalement verra la naissance d'un EP trois titres pour une durée totale d'à peine vingt-cinq minutes.
L'album débute sur le post-rock de "Low Tide" qui après une longue introduction rythmée par une batterie métronomique change d'apparat, dévoilant des guitares toutes aussi entêtantes, ainsi que la timbre avenant et androgyne de Craig B., chanteur et guitariste d'Aereogramme. Long, itératif et au final hypnotique, "Low Tide" constitue dores et déjà un grand moment de ce split.
"Delial" hausse le ton, passant plutôt par des sentiers marécageux d'un post-hardcore relativement peu véhément, mené par un Aaron Turner plus en retrait qu'à son habitude. Assez conventionnel dans sa forme, il tourne vite vers une atmosphère plus glauque grâce à l'emploi de voix murmurées et inquiétantes annonçant de lourdes distorsions de guitares.
Enfin, ce sera au tour de "Stolen" de clore cette trop courte collaboration sur de nouveaux mouvements post-rock mais cette fois-ci plus éthérés, plus épurés. La rythmique répétitive de "Low Tide" laisse ici place à une impression de sereine liberté mis en lumière par le chant séraphique de Craig B. Par contre, comme pour le premier titre, "Stolen" est scindé en deux parties terminant par un instrumental lent, délicat, voire apaisant, superbe point final à cette talentueuse complicité.
A l'écoute de cet objet, il paraît presqu'incroyable d'aboutir à un tel résultat après seulement deux jours de jam sessions. Malgré des conditions pas forcément évidentes pour les deux formations (Isis venant tout juste de terminer sa tournée européenne et Aereogramme étant en représentation la veille), il ressort de manière évidente une osmose entre elles, une véritable facilité à créer des ambiances enivrantes. Le label relate le fait que le résultat n'était pas du tout celui attendu, penchant vers des hostilités post-hardcore du côté des deux camps, mais qu'il allait au-delà de celui qu'il espérait, offrant par là-même l'un des meilleurs splits depuis le début de l'aventure In The Fishtank.
Sans connaître toute la discographie de ces groupes mis "en bocal", ce duo là a manifestement placé la barre très haut. La valeur n'attendant pas le nombre des morceaux, cet EP vaut cher, très cher, du moins dans mon cœur.