Nous sommes en 2006, et "In The Absence of Truth" porte la lourde responsabilité de succéder aux deux monuments qu'ont représenté "Oceanic" et "Panopticon". Après de tels actes de grandeur, Isis n'a plus rien à prouver mais les yeux et oreilles des fans se trouvent rivés vers la nouvelle production des californiens. On connaît Aaron Turner pour ne pas s'embarrasser de telles considérations, alors au lieu d'essayer de faire mieux, le chanteur d'Isis, responsable des compositions du groupe, proposera tout simplement quelque chose de différent, perpétuant naturellement cette ligne de conduite fixe depuis le début.
En premier lieu, et sans doute agacé par des demandes d'explications incessantes concernant les thématiques abordées autrefois, Turner laisse cette fois-ci libre interprétation à chacun. Il s'agit bel et bien d'un album concept mais dont le sujet n'est sciemment pas explicité de manière claire (d'autant que le livret de l'album ne comprend aucune parole). Finis les thèmes retrouvés de façon récurrente auparavant entre l'eau, la femme et autres trames touchant au concret. En l'absence de vérité (intellectuelle, visuelle,…), Turner nous amène à naviguer entre des références telles que Don Quichotte (l'imaginaire "Dulcinea"), "Les Labyrinthes" de Jorge Luis Borges et autres abstractions.
Toutefois, c'est plus sur la forme que l'évolution musicale se fera sentir. Alors que "Panopticon" tentait des incursions post-rock, ici, c'est le post-hardcore qui cherche à se se frayer un chemin entre ces longues constructions où règne une tiède paisibilité. Cette accalmie recherchée mène même à rencontrer des titres comme "All out of Time, All into Space", plage d'ambiant de trois minutes, minimaliste, insondable, sans forme réelle. C'est surtout sur l'album dans son ensemble que l'ouragan Isis semble s'être transformé en tempête plus inoffensive car demeurent toujours de façon plus sporadique des spasmes de vivacité voire d'agressivité.
Turner prend également le parti en toute logique de calmer ses ardeurs vocales. Le chant guttural laisse pour une grande partie la place à des textes exprimés dans des tons rauques et neutres.
"In The Absence of Truth" franchit un nouveau pas dans l'intellectualisation de la musique d'Isis. On le savait déjà, Aaron Turner n'est pas homme à chercher à tout prix à satisfaire les envies de ses fans, à rassasier leurs espérances. Une fois renfrognée cette petite déception sans doute ressentie par les membres du clan des pro-"époque Panopticon et Oceanic", la qualité musicale à laquelle nous ont habitué les américains met tout le monde d'accord.