Après un EP relativement réussi, Coverdale semble avoir trouvé sa voie après ses années d’errance post-Deep Purple : celle d’un hard rock bluesy teinté de soul. Si le mélange peut paraître surprenant, il prend toute sa saveur avec ce « Trouble » déboulant rapidement après l’alléchant « Snakebite ». Et pour ce premier véritable album, Coverdale a légèrement modifié le line-up de son groupe en remplaçant le discret Pete Solley par son compère John Lord que nous ne vous ferons pas l’affront de vous présenter.
Bien que varié et un brin récréatif, « Trouble » pose donc les bases du style Whitesnake. Le hard blues rock concocté par Coverdale et sa bande peut se montrer entraînant ou enjôleur, même si les textes sont généralement d’un machisme sans limite. A ce titre, « Take Me With You » a le mérite de mettre les points sur les « i » d’entrée de jeu. « Take me with you, I will give you everything a woman needs… » annonce le maître des lieux avec toute la délicatesse qui le caractérise envers la gente féminine. Heureusement que le groove du morceau vient tout emporter sur son passage pour nous éviter de nous attarder sur la profondeur des textes. Et en matière de rythmiques entraînantes, cet album a de quoi en revendre. Il est d’ailleurs à noter la qualité de la section basse – batterie composée de Neil Murray et Dave Dowle. En effet, cette paire est souvent oubliée au profit des non moins excellents six-cordistes que son Micky Moody et Bernie Marsden, mais qui sont propulsés par une doublette rythmique qui sait ce que « groove » veut dire. Le final composé de « Free Flight » et « Don’t Mess With Me » qui vient conclure cet album ferait, à ce titre, taper du pied un homme-tronc.
D’autre part, même s’il ne bénéficie pas d’un titre du calibre de « Ain’t No Love In The Heart Of The City », cet album est tout de même doté de titres où l’émotion prend le dessus sur la vitesse d’exécution. « Love To Keep You Warm » vient ralentir le tempo dès la deuxième plage avec ses accents chauds et bluesy. Quant au titre éponyme, il délaisse enfin les sujets liés à la sensualité féminine pour nous offrir les confessions d’un bad boy qui n’a pas son pareil pour faire transpirer l’émotion de sa voix à la puissance parfaitement maîtrisée. Il est également à noter que les chœurs sont finement travaillés tout au long de l’album et apporte une valeur ajoutée non négligeable. Enfin, la complémentarité entre Moody et Marsden dégouline de feeling sur certains titres (« Trouble ») et de complicité joueuse sur d’autres tel l’instrumental « Belgian Tom’s Hat Trick ». Il est d’ailleurs surprenant de rencontrer un tel titre sur un album du groupe de David Coverdale. C’est un peu comme si un album de Yngwie Malmsteen se retrouvait doté d’un titre sans guitare. Malgré son caractère irrésistiblement entraînant, ce titre fait un peu office d’ovni sur cet album alors que la verve instrumentale des 3 solistes (Moody, Marsden et Lord) prend déjà toute son envergure sur le jazz rock hard de « Nighthawk (Vampire Blues) ».
L’autre erreur de la track-list de cet album est « Day Tripper », reprise certes originale et personnalisée des Beatles, mais qui ne décolle jamais malgré les expérimentations de Marsden à la talk-box. Dommage car l’ensemble reste tout de même d’une qualité croissante par rapport à un « Snakebite » déjà intéressant. La plupart des titres sont attachants et cet album restera comme la première véritable pierre de l’édifice constitué par la phénoménale carrière de David Coverdale avec son groupe. Avec des fondations d’une telle solidité, il n’est pas surprenant que le monument ait eu si belle allure.