L’imposant guitariste new-yorkais Popa Chubby, à la carrière discographique aussi large que ses épaules, amorce son retour dans les bacs à peine plus d’un an après "Deliveries After Dark". Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce musicien qui a pour habitude de ne pas mâcher ses mots à l’égard de la politique menée dans son pays, dispose d’une solide renommée dans le monde du blues rock à tendance pêchue et engagée.
Le gaillard n’a jamais été effrayé par une quelconque prise de risque dans sa fructueuse quête à la gloire du blues. Et ce nouvel album en demeure une probante démonstration. Plantons tout d’abord le décor pour mieux comprendre la direction musicale de "Vicious Country". En effet, cette nouvelle production de ce prodige de la six corde a été concoctée au célèbre Studio Sun, là même où Elvis Presley a jadis enregistré quelques-uns de ses plus grand succès. Autre fait important, Galéa, la compagne de Popa Chubby, tient une place essentielle sur cette galette, puisque tenant la basse mais également le micro sur une bonne partie des treize compositions de "Vicious Country". Mais est-ce suffisant d’enregistrer dans un studio mythique pour être totalement convaincant dans un style musical qui révolutionna les vieilles habitudes à l’aube des années soixante ?
Certes, l’ambiance des murs y est sans doute pour quelque chose, mais c’est plutôt du côté de la véritable passion développée par Popa Chubby envers le rock’n’roll sixties qu’il faut se tourner. En effet, le volubile et impétueux guitariste se livre corps et âme dans cette atmosphère festive et chaleureuse où son instrument de prédilection brille tout particulièrement.
Non content de littéralement foutre le feu au plancher sous l’impulsion d’un "Race With The Devil" tonitruant aux consonances "Stay Cats" bien senties, Popa Chubby n’hésite pas non plus à s’immiscer avec une réelle ferveur dans un domaine grand public qui lui est beaucoup moins familier, à savoir la "country music". Pas franchement étonnant, car Galéa se trouve être la chanteuse du groupe "Vicious Country", qui comme son nom l’indique, œuvre dans cette mouvance. Et pour donner le change aux soli de Popa Chubby, qui mieux qu’un spécialiste de la steel guitar comme Claude Langlois peut se permettre un tel challenge. D’autant plus que ce "country sound" bien fondé s’en retrouve subtilement étoffé par les interventions du talentueux violoniste Doug Moody.
"Vicious Country" se révèle comme un album d’alternance entre reprises et pistes originales, aussi bien sur les terres du rock furieux et gominé, à l’image d’un titre comme "Baby You Don’t Care" profondément sixties, que dans des climats beaucoup plus apaisant allègrement souligné par "Sleepwalk". Popa Chubby abuse de sonorités claires sur ses soli, témoignage d’une franche admiration pour les guitaristes pionniers du rock’n’roll. Mais heureusement pour les puristes, il sévit sur "Vicious Country" un bon gros blues des familles taillé dans la rugosité et honoré d’un long solo façonné à la mode Chubby.
Voici donc un album qui risque de déconcerter quelque peu les initiés par ses tournures nettement moins axées sur le blues conçu et joué habituellement par Popa Chubby. Cette légère entorse n’enlève absolument rien au talent de ce grand guitariste au caractère bien trempé. Il suffit simplement d’y voir une forme de vibrant hommage à des musiciens et créateurs d’exception comme Gene Vincent et bien sûr le "king" en la personne d’Elvis Presley pour la face rock, mais également Johnny Cash ou encore Sam Lay en ce qui concerne l’axe country de ce nouvel opus.
Tout compte fait, "Vicious Country" respire une certaine décontraction qui aboutit sur une atmosphère familiale et chaleureuse. Interprété et enregistré sans aucune prétention, si ce n’est de faire passer un agréable moment, un tel album est à recommander chaudement pour envisager une bonne soirée "country rock" entre amis.