On peut s'amuser à mettre une sorte d'étiquette globale sur les albums… Si "Jazz" en 1978, méritait assez mal son titre, mis à part pour le splendide "Dreamer's ball", on peut dire que "The game" est par contre relativement marqué par le rock'n'roll des années 50 et 60. Freddie Mercury était un admirateur d'Elvis Presley et il semble que Deacon et Taylor (mais pas May, assez bizarrement) aient voulu eux aussi composer quelques morceaux dans ce genre - arrangés à la sauce Queen, ceci dit.
Et pourtant, on retrouve le charme romantique de Queen, notamment avec "Play the game", morceau lent et plus ou moins grandiose en ouverture. Juste derrière cette belle entrée en matière suivent deux morceaux étonnants : "Dragon attack" un titre à la fois hard et funk, curieusement signé par Brian May, avec un gros solo de guitare mais où la basse de John Deacon est au premier plan, puis le fameux "Another one bites the dust", ouvertement funk, signé Deacon, qui obtiendra ainsi son premier tube planétaire. Plus encore que sur "News of the world" et surtout "Jazz", le groupe s'éloigne ainsi des caractéristiques qui ont pourtant fait sa gloire : un certain goût pour les influences classiques, les chœurs grandioses et les orchestrations de guitares électriques.
Les deux titres suivants rentrent quant à eux dans un style assez rock'n'roll : l'entraînant et sympathique "Need your love tonight", où se mêlent guitares acoustiques et électriques un peu plombées et le désormais célèbre "Crazy little thing called love" au swing assez irrésistible, qui porte la marque du Elvis des débuts. Cette fois-ci, les chœurs sont d'un tout autre genre mais là encore Queen démontre sa maîtrise en ce domaine.
Autre nouveauté, The Game est le premier album dans lequel le groupe utilise un synthétiseur (un Oberheim OBX nous précise-ton !)… On le retrouve sur quatre morceaux, donnant une petite touche moderne et surtout orchestrale. Queen revient ainsi sur la petite mention discrète figurant sur ses cinq premiers albums, où il est justement précisé que n'y figure aucun synthétiseur (histoire d'attirer l'attention des gens sur le fait que tous ces sons orchestraux ou de cuivres et autres qui parsèment les albums en questions proviennent uniquement de la guitare de Brian May !).
Encore du rock avec l'excellent "Rock it" : une intro sans rythme, typée comme un slow, qui se transforme vite en un boulet musclé et rapide avec des guitares lourdes et un poil de synthé. Un titre typique de Taylor (cf. son premier album solo "Fun in space" en 1981) et chanté en majorité par lui (Mercury intervient seulement sur l'intro et les chœurs). Taylor fait encore fort avec "Coming soon", sorte de heavy rock'n'roll mélodique, avec une batterie martelée et de multiples guitares bien épaisses. Enfin, c'est Brian May qui signe deux des meilleurs morceaux de "The game", des titres aux couplets lents et mélancoliques et aux refrains plus symphoniques : "Sail away sweet sister", une belle ballade qu'il chante lui-même et puis surtout "Save me", qui rappelle presque "Queen II", avec un coté baroque, le retour du piano et une petite dose de ce fameux "orchestre de guitares"… Une composition émouvante que le groupe aura du mal à reproduire en live à l'époque mais qui demeure cependant une de ses chansons les plus magnifiques.
"The game" est donc un album particulièrement contrasté, trop sans doute car il est aussi relativement court. C’est un disque original, très bien fait et attachant à la longue, plus concis que "Jazz" mais avec moins de morceaux mélodiquement faibles ou moyens. Pour vraiment aimer le Queen des années 80, on sait qu'il faudra faire preuve d'un très grand éclectisme et d'une ouverture d'esprit rare… C'était déjà le cas avant, diront certains !