L’année 1974 ne fut pas de tout repos pour Lynyrd Skynyrd, qui engendra de nombreuses tournées aussi bien aux Etats Unis qu’en Europe. Et c’est justement au retour de celles-ci, en 1975, qu’Al Kooper les attend aux tournants pour enregistrer le troisième album du combo de Jacksonville.
"Nuthin’ Fancy" naquit dans une ambiance où la fatigue des incessantes tournées promotionnelles aurait pu porter un coup presque fatal à la montée en puissance de Lynyrd Skynyrd. Mais heureusement, le très sérieux et cependant tyrannique producteur sait aussi se comporter en véritable pote à l’égard des musiciens qui, au bout du compte, lui amène quand même pas mal de dollars sur son compte en banque. Cette attitude de "bon père de famille" directif mais suffisamment conciliant va permettre à Lynyrd Skynyrd d’engendrer cette nouvelle production sous les meilleurs augures.
En effet, l’inspiration et la créativité sont au rendez-vous sur "Nuthin’ Fancy", mais cela au dépend de tout effet de surprise. La formule magique habillement composée de rock teigneux et bluesy aux forts accents du sud fait toujours son effet. Il convient néanmoins de souligner l’arrivée d’un nouveau venu en la personne d’Artimus Pyle au poste de batteur. Cet ancien marine apporte un regain de spontanéité grâce à un jeu de baguettes nettement plus fin et technique que son prédécesseur Bob Burns, usé par le rythme infernal imposé par le groupe et son mentor.
La volée de bois vert ne tarde pas à s’imposer sous le riff syncopé et tranchant à la limite du hard rock imputé par le célèbre "Saturday Night Special". La jeune recrue derrière les fûts s’intègre parfaitement à Lynryd Skynyrd. D’ailleurs, ce morceau aurait dû logiquement figurer sur "Second Helping", car composé à la base en 1974. Fidèle à ses habitudes, Lynryd Skynyrd concocte en guise de deuxième titre un blues bien rythmé et langoureux parsemé de notes soufflées au son vintage du bon vieux B3. C’est donc dans d’excellentes conditions que débute "Nuthin’ Fancy". Mais la suite de ce nouveau cru des géants du rock "made in southern" place encore une fois la barre très haute en terme de qualité des compositions. Le groupe sait très bien profiter de ses atouts à la fois rugueux et mélodiques facilement démontrés par des classiques comme "On The Hunt" ou "Whiskey Rock A Roller". La production appliquée par Al Kooper confère un son d’ensemble assez brut sur les guitares qui ne s’en privent pas pour bastonner des riffs et des soli fidèles à la "bad réputation" de leurs géniteurs.
Et il faut bien l’avouer, le panache affiché par le Lynyrd Skynyrd des débuts n’a pas pris une once de granulés plombés dans les gencives. Cet album va rencontrer un succès assez phénoménal, car pointant très vite dans le top ten des ventes outre atlantique au milieu des années soixante dix. Plus consistant encore que son prédécesseur "Second Helping", "Nuthin’ Fancy" ne tardera pas à figurer parmi les classiques et incontournables du "southern rock". Le gang de Jacksonville est décidément intraitable lorsqu’il s’agit de faire rimer le succès et la reconnaissance avec cette fameuse "fucking attitude", surtout dans un contexte propice à l’émergence de nouveaux groupes talentueux dans son domaine de prédilection.
Pour conclure sur cette petite merveille nommée "Nuthin’ Fancy", les musiciens de Lynyrd Skynyrd démontrent de façon claire et nette, à ce moment précis de leur existence, qu’ils seront toujours prêts à affronter des vieux démons comme l’alcool et autres expédients en plus d’un grand nombre de shows. Ils sont capables de donner le meilleur d’eux même à leurs fans lorsqu’il s’agit de se remettre au travail de composition en studio. Car en plus d’un incontestable talent un nouvelle fois démontré, cet état d’esprit fait aussi partie de la force d’une formation aussi rebelle que celle-ci.