Après un deuxième album fort réussi, Metallica arrive en 1986 à un point culminant de sa carrière. Malgré une certaine méfiance envers les producteurs qui date de "Kill ‘Em All", ils travaillent à nouveau avec le Danois Flemming Rasmussen, et après quatre longs mois en studio, Metallica nous délivre ici une de ses œuvres les plus abouties.
Les recettes utilisées sur l’opus précèdent, "Ride The Lightning", sont reprises avec autant de brio. Le Thrash sauvage est toujours présent dans des morceaux comme "Battery", ou le grandiloquent "Disposable Heroe". La récente tendance plus douce est aussi présente dans des titres comme "Welcome Home (Sanitarium)", qui alterne des couplets dans un style proche de la ballade pour durcir le ton sur le refrain. Le splendide instrumental "Orion" montre le talent de compositeur du bassiste Cliff Burton dans une atmosphère presque symphonique, inspirée par un attachement profond de ce dernier à la musique classique.
Les riffs sont toujours aussi acérés, tel celui de "Lepper Messiah" (dont Dave Mustaine revendiquera sans succès la paternité) ou l’incroyable "Master Of Puppets". Ce dernier reste, vingt trois ans après, une référence ultime en matière de métal. Un illustre fan inconnu déclarera d’ailleurs: « Master, c’est tout Metallica en un seul morceau ». En effet, avec ses riffs assassins, son intro qui débouche sur des couplets rageurs, son break central fabuleux de mélodie et son solo rapide et hargneux, ce titre a tout d'un chef d'œuvre. De façon générale, le chant de James Hetfield sur l'album est de plus en plus maîtrisé, sa voix gagnant en tessiture. Les musiciens continuent par ailleurs leur progression alors que la production donne un son de plus en plus propre au groupe, marquant ainsi l’album du sceau de la maîtrise.
En effet, on sent le groupe encore plus mature que sur "Ride The Lightning", et donc à des années lumières des jeunes rebelles de "Kill ‘Em All". L’étude des paroles révèle même une logique presque conceptuelle. Ainsi, la plupart des titres traitent de l’asservissement de la race humaine par les divers fléaux que sont la drogue, la politique, la violence et la religion (avec laquelle James règle un peu ses comptes, la considérant responsable de la mort de sa mère lorsqu’il avait seize ans). Ces entraves diverses sont relatées tout au long de l’album pour finir sur un "Damage, Inc." qui exhorte l’auditeur à se libérer de ses chaînes.
Tous ces éléments amènent à la conclusion suivante : "Master Of Puppets" est un chef d’œuvre. Cette qualité n’est pas le fruit du hasard mais bel et bien de la progression constante d’un des groupes majeurs de ces dernières années. Malheureusement c’est aussi le dernier album avec ce line up, Cliff Burton décédant quelques mois après la sortie de l’album, dans un tragique accident. Il laisse avec cet album un splendide héritage à la planète métal.