Après le très cru "And Justice For All", et la tournée qui suivit, les membres de Metallica décidèrent de prendre un peu de recul par rapport à ce qu’ils venaient d’accomplir. Au fil des années, la musique du groupe s’est complexifiée et enrichie, et le groupe souhaite alors un retour à des chansons plus simple, plus rock. Impressionnés par le travail du producteur Bob Rock sur des albums comme "Dr Feelgood" de Motley Crüe, ils le contactent pour lui proposer de mixer l’album. Celui-ci s'engage avec le groupe pour une longue lutte en studio qui s’étendra d’octobre 1990 à juin 1991 et aboutira à l’album qui sera connu sous le nom de "Black Album".
L’évolution du style de Metallica sur cet opus est considérable et une partie des fans leur reprochera d'avoir tout fait pour passer à la radio. En effet, il est clair que le tempo s'est considérablement réduit. Sous l’influence de Bob Rock, les « four horsemen » délaissent leurs influences Thrash pour se concentrer sur les finitions des morceaux. Ainsi, la plupart des titres sont construits sur un ou deux riffs, sur lesquels le groupe ajoute petit à petit des éléments, tel le grandiose "Enter Sandman". La basse retrouve sa place au sein de la formation, et les possibilités de chaque instrument sont exploitées au maximum. Le son de l’album s’en trouve considérablement enrichi, avec une production presque parfaite et une ambiance sonore finement travaillée.
Attention, l’essence de Metallica reste présente, avec une majorité de riffs acérés et sombres. Le ralentissement du tempo rend l’ambiance encore plus pesante ("Sad But True"). James Hetfield chante comme jamais, ses lignes de chant sont inspirées, et il fait vivre des titres tels "Wherever I May Roam" ou "My Friend Of Misery". Les paroles s’éloignent des thèmes habituels de société, de guerre et d’insanité. Les sentiments sont plus fouillés, ainsi que le précise James : « Quand tu parles de tes sentiments, tu es sûr de ne pas te tromper, contrairement aux problèmes divers de la société. ».
Le coté sauvage est toujours bien présent, mais simplement mieux maitrisé. Le grandiloquent "Sad But True", que l’on retrouvera sur beaucoup de sac à dos d’étudiantes, le rapide "Holier Than Thou", sont des exemples de morceaux percutants qui rappellent bien qu’il est question de metal. Des titres étonnants font parallèlement leur apparition. "Nothing Else Matters" fera beaucoup parler d’elle, étant la première véritable balade du groupe. Ce splendide titre présente même des orchestrations classiques (du célèbre Michael Kamen), ainsi qu’un solo percutant et élégant. "The Unforgiven" est assez originale, avec des couplets hard, et un refrain plus acoustique.
Alors pour certains fans, cet album sera celui de la traitrise et de la compromission. Pourtant, avoir atténué l'agressivité n’est pas ici synonyme de médiocrité. Des différents titres présents sur cet opus, beaucoup deviendront des classiques de Metallica. Ce "Black Album", s’il marque une rupture dans la carrière du groupe, s’avère un modèle de maitrise, et le soin apporté à la production lui permet de rester d’actualité dix huit ans après.