Lorsque Black Sabbath (période Ozzy Osbourne) s’invite dans une conversation musicale, irrésistiblement les propos convergent vers "Paranoid", référence absolue qui éclipse efficacement un pan de discographie du groupe qui fut sans doute l’un des plus productifs de cette époque. Pourtant, seulement quelques mois après le succès fulgurant du second album du groupe, celui-ci a l’occasion de frapper un grand coup.
En effet, si l’album précédent leur attire un public nombreux, ce dernier a aussi des exigences, et la pression monte pour Black Sabbath lorsque le troisième album de Led Zeppelin est accueilli froidement à cause de son coté acoustique omniprésent. Tony Iommi rassure cependant tout le monde en déclarant que l’album à venir serait le plus heavy depuis leurs débuts. Et à grand renfort de substances illicites, Black Sabbath se met au travail.
Et de toute évidence, ils tiennent leur promesse. L’album est bien sombre, Iommi ayant accordé ses guitares bien plus bas (suivi par le bassiste), passant de mi à do#. La musique s’en ressent, et les riffs profonds sont légions, se succédant dans les morceaux pour les articuler intelligemment. Les structures sont passionnantes et bourrées de mélodie. A des passages dynamiques soutenus par la batterie frénétique de Bill Ward, succèdent des breaks lents et hypnotiques qui influenceront grandement le futur Doom métal. La basse est ample et donne donc du relief aux chansons les empêchant d’être trop linéaires.
Les titres suivent tous le même mode de construction et le même ton global tout en ayant leur propre personnalité. Toutefois, pour éviter une certaine lassitude d’écoute, le groupe intègre intelligemment dans cette déferlante deux interludes acoustiques, ainsi qu’une balade, prouvant ainsi que Black Sabbath est loin d’être un groupe unidimensionnel. Les morceaux sont d’ailleurs réussis, surtout "Solitude", digne héritier d’un certain "Planet Caravan". La voix du Madman s’y fait plus douce, et la sauce prend directement, avec la création d’une atmosphère bien particulière, un peu spatiale.
Le seul reproche qui puisse être fait à "Master Of Reality" n’est pas très original car il concerne son âge. Difficile, en 2009, de ne pas voir les marques du temps sur la musique. Le son de batterie semble parfois désuet, et les parties de guitares manquent de puissance. Mais bien entendu, ce genre de remarque n'est là que pour prévenir le néophyte qui se penche sur une légende du métal, afin qu’il ne se trompe pas sur la marchandise. En réalité cet album confirme l’immense talent du phénomène que devient alors ce groupe...