Il est fréquent d’avancer que ce gigantesque groupe canadien fonctionne par phases depuis le début de sa longue carrière, et que chacune d’entre-elles s’achève par un album live. Sur les 18 albums studio enfantés à ce jour par Rush depuis ses débuts, ce « Grace Under Pressure » est le 10ème et, au vu de ce qui précède, il peut être inclus dans la phase 80’s du groupe qui va de « Moving Pictures » à « Presto », et qui s’est conclu par l’excellent Live « A Show Of Hands ».
Quand on fait du Prog et qu’on prend de plein fouet les tsunamis musicaux qui ont bouleversé ces années richissimes pour la musique, on est forcément amené à se poser des questions, et Rush ne fût pas le seul groupe à vivre « une tempête sous son crâne ». Rappelez-vous pour exemple, et je suis certain que vous n’avez pas oublié, le particulier « 90125 » de Yes. Vous y êtes… ?...Hé oui, en ces temps reculés, il fallait pour passer le cap accrocher l’auditoire immédiatement. Pour cela, Rush dut lâcher un peu de lest Progressif, et donc, « décomplexifier son propos et se parer de quelques atours commerciaux » pour faire court. Bref, se concentrer particulièrement sur les mélodies afin qu’elles puissent être plus rapidement perçues, puis retenues.
Tout va en effet très vite à cette époque, et pour ne pas louper les trains en marche, il faut convaincre sans lambiner. « Permanent Waves », l’album achevant la phase précédente, entrouvrait cette porte avec « Spirit Of Radio ». L’album « Signals » s’y était engouffré prestement. « Grace Under Pressure » lui a filé le train sans l’ombre d’une hésitation. Le magnifique album « Hemispheres » est déjà bien loin, mais soyez certains que si Rush avait tenté d’entrer dans les 80’s en proposant, avec entêtement, des albums ainsi formatés, il ne serait assurément pas là où il en est aujourd’hui.
Alors que faire pour trouver sa place dans ce grand chambardement ? Tout d’abord, raccourcir les morceaux - pensez-donc, « Hemispheres » proposait quatre titres ! – mettre les synthés en avant et faire sonner la guitare un chouilla différemment, un peu Pop, un peu comme… Police par exemple... Mais attention, il fallait veiller également à préserver la classe des compositions, la section rythmique tout sauf métronomique et les textes intelligents… Voilà, il ne reste plus qu’à peaufiner des mélodies catchy et le tour est joué !
Sur ce terrain, « Grace Under Pressure » (qui porte remarquablement son nom) est d’une beauté clinique hallucinante. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter une oreille sur l’attaque du syncopé « Afterimage », qui est une pure merveille, ou son break central annonciateur d’un duo guitare/batterie tout simplement énorme, sur le refrain de l’angoissant « Beetween The Wheels » ou le final du percutant « Distant Early Warning », sur l’ensemble du gigantesque « Red Sector A » ou du très Policien « The Enemy Within ».
Ajoutez à cela une pochette d’une glaciale splendeur et vous parviendrez à l’objet parfait, un joyau scintillant dans un écrin cristallin. Rush est un antre à diamants, « Grace Under Pressure » en illumine la voute.