Après le succès retentissant de « Keep The Faith », et celui, non moins important, de la compilation « Crossroads » portée par la ballade inédite « Always », Bon Jovi revient avec un nouvel album studio intitulé « These Days ». Autant dire qu’il s’est passé des choses dans la galaxie du groupe du New Jersey pendant les trois années séparant ce nouvel opus de son prédécesseur studio. Le combo a enchaîné les dates de concert à travers la planète, remplissant les plus grandes arènes dans la plupart des pays, « Crossroads » s’est vendu à 15 millions d’exemplaires alors que le single « Always » a cartonné sur toutes les radios. Malheureusement, un paysage aussi idyllique a souvent une contrepartie moins rayonnante. Ainsi, le line-up qui n’avait jamais bougé depuis la création du groupe se voit amputé d’Alec John Such. La version officielle est celle d’un départ, mais des rumeurs venant de l’entourage direct du groupe parlent plutôt de problèmes de surpoids auquel le bassiste n’aurait pas voulu gérer malgré plusieurs mises en garde de la part des quatre autres membres qui auraient fini par l’expulser du combo.
Cette séparation a visiblement laissé des traces sur le moral des troupes car c’est d’un album fortement mélancolique que Bon Jovi accouche en cette année 1995. Hugh McDonald, vétéran des studios d’enregistrement, prend la place de bassiste, mais sans être crédité comme membre à part entière du groupe, alors que Peter Collins remplace Bob Rock aux manettes, et ces changements se font immédiatement sentir. En effet, le gros son de « Keep The Faith » laisse la place à une ambiance plus pop-rock, toujours de qualité, mais plus claire que les précédentes œuvres du désormais quatuor du New Jersey. D’autre part, l’enchaînement de succès dus à des ballades et ayant atteint son paroxysme avec « Always » semble également avoir marqué le groupe qui n’a pas pris de recul avant de s’attaquer à la composition de cet album. Du coup, la version originale de l’album se voit dotée de 8 ballades ou assimilées sur 12 titres, et malgré la qualité de la plupart de ces morceaux, la dynamique s’en trouve sérieusement handicapée. Lorsque nous vous préciserons que tous les titres les plus dynamiques se situent en première partie d’album, vous comprendrez aisément qu’il devient alors difficile de garder son attention en éveil jusqu’à la fin.
L’édition collector que nous vous présentons ici bénéficie de 2 titres supplémentaires, mais alors que le rock US de « All I Want Is Everything » nous sort de notre torpeur grâce à son refrain dynamique, c’est une nouvelle ballade(« Bitter Wine ») qui vient clôturer cette version enrichie. Et ce n’est pas le disque de 6 titres bonus qui vient la compléter qui changera beaucoup les choses, étant lui aussi composé pour moitié de ballades, dont une version live de « Always » où les cris d’un public féminin à la limite de l’orgasme donne une idée de l’ambiance des concerts du groupe en Amérique du Nord, cet extrait ayant été enregistré au Canada. Nous signalerons tout de même, parmi ces bonus, un « Good Guys Don’t Always Wear White », enregistré pour la B.O. du film « The Cowboy Way », et donnant dans un rock percutant au refrain immédiat.
Mais revenons-en aux 12 titres composant la version originale de « These Days ». Si le puissant « Hey God » ouvrant les hostilités montre un Jon Bon Jovi en grande forme poussant ses cordes vocales dans leurs derniers retranchements et traduisant une colère non dissimulée, le reste de l’album oscille majoritairement entre de nombreuses ballades et des titres qui ne viendront pas menacer AC/DC et encore moins Manowar au niveau de la puissance et du dynamisme, même si le rock enjoué et entraînant de « Something For The Pain » ou le Hard-Rock efficace de « Damned » et son refrain percutant réussissent tout de même à déclencher quelques battements de pieds. Ceci ne veut pas dire que l’ensemble ne soit pas de qualité ! En effet, la power ballade « This Ain’t A Love Song » met en avant les qualités vocales d’un Jon Bon Jovi sachant parfaitement moduler son chant pour traduire chaque émotion avec justesse, alors que celle de « Hearts Breaking Even » trahit l’admiration que le combo voue à Aerosmith. « Lie To Me » a tous les arguments d’un tube en puissance, magnifique ballade déchirante et dotée d’un solo imparable, alors que « (It’s Hard) Letting You Go » reste dans un domaine mélancolique et aérien. Enfin, « My Guitar Lies Bleeding In My Arms » et « Something To Believe In » traduisent une ambiance sombre et chargée de tristesse. Enfin, nous ne passerons pas sous silence l’implication de Richie Sambora dans les chœurs et harmonies vocales, tant son travail est riche et de qualité.
« These Days » est donc un album charnière dans la carrière de Bon Jovi. Le groupe semble tourner le dos au Hard FM de ses débuts pour s’orienter vers un rock US, et ce changement de cap se fait brusquement avec ce condensé de chansons douces et calmes, bien que sombres et mélancoliques pour la plupart. Les avis divergeront entre ceux traduisant ce virage par une vente de l’âme du groupe aux sirènes commerciales, et ceux y voyant au contraire, une belle preuve d’honnêteté artistique de la part de musiciens n’hésitant pas à étaler leurs sentiments sans peur du qu’en dira t’on. Pour notre part, nous nous inclinerons devant la qualité du matériel proposé, mais nous regretterons une absence certaine de dynamisme, qualité incontournable du groupe jusque là.