La vie tumultueuse mais confidentielle de Ron Thal a basculé depuis plusieurs mois. Cela coïncide avec sa participation au nouveau Guns’n Roses en tant que soliste de concert dans un premier temps puis guitariste de session pour l’album Chinese Democracy. Cet ouragan dans la vie du new-yorkais ne lui a pas fait perdre totalement la raison car celui-ci revient avec la suite de son précédent disque Normal: son pendant indissociable quand on s’appelle Ron Thal, Abnormal.
Depuis plusieurs albums maintenant, le bon vieux Ron nous propose des condensés de morceaux immédiats, très mélodieux et dans lesquels règne une atmosphère loufoque et déjantée, secondée par des textes plus farfelus les uns que les autres. Que l’on aime ou pas cet artiste, il ne laisse pas indifférent et possède une vertu assez singulière qui est de pouvoir mélanger à souhait les styles dans un même album, et parfois dans une même chanson.

Abnormal reprend la même recette que Normal avec des titres courts très rock, dans la veine du Paul Gilbert en solo, avec le petit truc en plus qui en fait l’unicité. De nombreux styles sont entrevus, comme le crooner-métal, le grunge ou la country à la sauce Thal (« Guitar still Sucks »), les ballades qui soulèvent le cœur (« Green » ou le beatlesien « Misery ») ou le ska (« Piranha »). Chaque morceau est un moment de pur plaisir dans lequel le chant de Ron est primordial tant celui-ci sait jouer de sa gouaille pour appuyer l’effet désiré, qu'il soit comique (« Glad to Be Here ») ou dramatique (« Dash »). Je vous laisse le plaisir de découvrir la teneur des paroles de cet album avec, si vous le désirez, leur transcription sur le site de Bumblefoot.

D’une relative simplicité lors de la première écoute, les titres de Abnormal sont riches de chœurs bien pensés (« Objectivity ») et ficelés comme des mini scénarios. Les nostalgiques du premier Ron Thal, The Adventures of Bumblefoot, qui reste le seul album instrumental de la carrière du fou furieux, ne seront pas en reste car Abnormal propose plusieurs pistes sous ce format. On citera la plus déchirante, « The Day After », un morceau assez lent, véritable bijou de doigté et d’émotion pure -les réminiscences de Hermit et sa pesanteur poisseuse sont manifestes sur ce titre- ou bien « Spaghetti », courte bande son qu’on jurerait avoir entendu dans un western… spaghetti avec ses voix presque lyriques!

N’oublions pas que Ron Thal est un des guitaristes les plus inventifs des deux décennies écoulées. La collection de soli et de chorus est impressionnante sur cet album. Sans asphyxier les compositions, Ron nous comble de ses interventions guitaristiques de haute volée, comme par exemple sur l’excellent « Dash » -dont le texte confirme un Ron incrédule et très émouvant - ou bien lors de « Some Other Guy ». Mais ce n’est pas ce qu’on retient le plus de l’écoute des seize titres de Abnormal.

Abnormal n’est pas un album aussi burlesque que l’on pourrait le croire. Car finalement il colle bien au personnage de Ron Thal, qui sait être la personne la plus divertissante qui soit mais qui, comme tous les clowns, fait preuve d’une lucidité et d’une pudeur bouleversantes. Abnormal oscille entre ces deux pôles qui rendent le disque très dense et probablement un de ses albums meilleurs albums, juste derrière The Adventures of Bumblefoot, Hermit et Uncool.
Ron Thal est un personnage attachant qui sait rester humble même quand les évènements le propulsent sur le devant de la scène. Espérons que celui-ci sache garder la tête froide pour nous abreuver encore longtemps de nombreux albums aussi réjouissants que Abnormal. En attendant, jetez vous sur cette galette.