Egdon Heath : ce nom ne dira sans doute rien aux auditeurs qui auraient récemment plongé leurs oreilles dans le monde progressif. En revanche, pour les plus anciens dont fait partie votre serviteur, reviendront immédiatement aux oreilles les Killing Silence et autres Him the Snake and I, joyaux néo-progressifs de l'époque bénie du label SI-Music qui sévit sur la période 1990-1995, produisant à l'occasion de manière quasi-compulsive autant de perles que de projets ratés. Après avoir mis la clé sous le paillasson en 2000 suite au départ de deux de ses membres éminents, le groupe batave, sous l'impulsion des deux survivants que sont Eddie Mulder et Aldo Copini est tout doucement reparti de ses cendres encore fumantes. Et après quelques péripéties et changements de line-up, c'est en 2008 que l'aventure discographique redémarre enfin sous le nom de Seven Day Hunt.
Nouveau nom certes, mais savoir-faire toujours présent. Indubitablement, les dépositaires du son et du style Egdon Heath maîtrisent toujours aussi bien leur art, et dès les premières mesures de No Plaster Saint, le style reconnaissable entre mille des bataves scotche à nouveau les oreilles de l'auditeur à ses écouteurs. Avant d'aller plus loin, je dois cependant prévenir les intégristes du progressif pur et dur dans son acceptation ancienne, que cet album est proposé avec 0% de Mellotron, 0% de Moog et 0% d'orgue Hammond. Néanmoins, ce serait une grossière erreur que de tourner casaque pour aller retrouver les sempiternels clones des années 70.
Alors certes, le son de Seven Day Hunt est dominé par une orgie de claviers qui emplissent majoritairement l'espace sonore : proposant des harmonies régulièrement dissonantes, avec force usage d'accords de 7ème, Eddie Mulder maîtrise cependant à merveille l'art de venir résoudre ses accords dans des chorus majestueux aux tonalités plus familières à nos oreilles. Et la recette s'applique également aux parties chantées de Han Uil, dont les couplets se révèlent parfois aussi irritants que les refrains entraînants. Ajoutez là-dessus des parties de guitare tantôt acérées, tantôt floydienne mais avec un souci permanent de la mélodie, soutenez le tout par un batteur inspiré maniant le contre-temps et les breaks de manière magistrale et vous voilà tout droit plongés dans un néo-progressif mélodique, dynamique et ensorcelant. Certes, ceux qui n'auraient pas pratiqué Egdon Heath par le passé risquent de s'y perdre quelque peu au départ, mais très rapidement les titres des hollandais vous accrochent l'oreille pour ne plus vous lâcher.
Premier titre, No Plaster Saint et première claque durant plus de 14 minutes, avec un final instrumental tout bonnement magique. Les thèmes s'enchaînent tout en se croisant les uns les autres, et l'envoûtement est total. The Noise poursuit le travail sur la même fréquence, tandis que File This Dream en captivera plus d'un, avant de définitivement gagner la partie dans un final Floydo-Great-Gig-In-The-skyesque superbement mis en valeur par les vocalises de Carola Magermans. Aucun titre faible durant 69 minutes, et un dernier épic, In Delusion dont la structure semble inspirée par les dernières productions de The Tangent , pour terminer la démonstration qu'au royaume du néo, Seven Day Hunt se pose en candidat sérieux de premier de la classe.
Inutile de préciser que c'est un réel bonheur de retrouver l'âme d'Egdon Heath au travers de ce "nouveau" groupe. File This Dream possède tous les atouts pour séduire une large frange d'amateurs, et on ne peut que souhaiter que nos amis "d'outre Belgique" passent la vitesse supérieure en terme de production (ils n'ont jamais été très prolixes au niveau discographique – 4 albums studio d'Edgon Heath en presque 20 ans de carrière) afin de venir nous ravir le plus vite possible de ce néo-prog totalement unique en son genre.