Retour des atypiques Islandais Solstafir, 4 ans après la sortie de leur unanimement acclamé “Masterpiece Of Bitterness” qui à l’époque révéla une musique difficilement étiquetable, sorte de fusion improbable entre les débuts Black Metal du groupe et de fortes pulsions Post Hardcore émergentes.
Sur Kold, de Black Metal il n’est en fait plus du tout question. Solstafir s’enfonce allègrement dans les ambiances et appuie lourdement du coude sur les répétitions entêtantes, la désolation, le plombant. Les architectures encore traditionnelles apposées sur « Masterpiece of Bitterness » s’évanouissent au profit de perspectives plus vaporeuses, voire aériennes. La batterie y est mixée largement plus en retrait, laissant plus de place aux guitares, elles aussi autrement plus nébuleuses et planantes. Aðalbjörn Tryggvason, le guitariste crieur exerce toujours ce chant qui fut atypique aux styles précédemment pratiqués par le groupe, collant à présent parfaitement au trip actuel. Ici, souvent sera-t-il empreint d’un ton plus blafard et plaintif qu’auparavant, et qui pourrait s’assimiler parfois à l’étrange fusion entre Robert Smith et Jim Morrison qui pousseraient occasionnellement la gueulante version screamo.
Kold pourrait être la bande originale d’un road movie dont la fin dramatique est en suspens dans l’air dés le début du périple. Sauf que Clint Eastwod et Marylin Manson auront pris la place de Thelma et Louise après leur avoir collé froidement une balle dans la tête, puis fonceraient tout droit vers le grand nord et non pas le Mexique, les saloperies de buissons séchés emportés par l'air brûlant faisant place aux rafales de vent mêlées de glace, et le whisky à la coke. Les morceaux s’intitulant « Pale Rider » et « 78 Days in The Desert » ne me feront pas mentir. Comme Solstafir nous y a habitué, le périple est long, plus d’une heure dix de musique avec des plages maintenant une moyenne de dix bonnes minutes. Seul « Love Is The Devil » échappe à la règle. Plus court, c’est aussi le titre le plus revigorant qui vient s’intercaler entre les instrumentales particulièrement anémiantes que sont « World Void of Soul », et ses douze minutes de torpeur dont huit d’ « ambiant » et la finale atmosphérique démesurée « Godess of The Ages ». Et c’est presque comateux qu’on finira l’audition de la galette, se demandant comment petit à petit Solstafir a bien pu nous mener jusque là.
On saluera donc l’ambition du groupe qui ne se livre pas à la facilité de la redite. Si la rencontre du black et du postcore avait séduit un public assez large sur le précédent opus, il est clair que Kold est davantage destiné à un auditoire plus ciblé, friand de musique bien plus pessimiste et froide. L’oeuvre va en effet beaucoup plus loin dans l’expérimentation. Il est donc fortement recommandé d’appréhender la galette dans des dispositions particulières et être bien décidé à se triturer les neurones à grands coups de spleen sans quoi le doigt sera vite attiré par la touche « eject ».