“Nathan Mahl, agressive - progressive prog-fusion since 1982” ! Wow ! Et dans son dernier opus Exodus, ce groupe canadien formé autour du claviériste Guy LeBlanc (ex-membre du Camel époque Nod & Wink) s’attaque à l’ancien testament, dans une approche opéra-rock retraçant les combats de ceux qui veulent s’émanciper de l’esclavage. Avec Moïse, Pharaon et Dieu au générique ! Et on nous promet la réunion d’un rock progressif symphonique fusion Canterbury avec des éléments of de HardRock et de Métal... Je ne sais pas pour vous, mais personnellement quand l’affiche est trop belle, j’ai une grosse tendance à me méfier : l’inquiétude d’être déçu ou la crainte de manger un gros pudding indigeste genre péplum-chantilly, je ne sais pas ...
Recentrons-nous objectivement sur l’objet. La musique de Nathan Mahl est effectivement un mélange de plusieurs tendances à base de rock progressif : en témoignent les longs développements instrumentaux, tantôt aux claviers, tantôt à la guitare (technique mais aussi sensible et variée), mais aussi avec quelques touches de violon un peu dans le style de ce que faisait Kansas (The Plague, The Price of Freedom). Le côté Canterbury se ressent dans les passages plus libres, notamment dans les claviers, donnant un aspect plus “free” tout au long de l’album. Pour ce qui est de l’aspect symphonique, il est beaucoup moins évident, le groupe ayant choisi de faire l’impasse sur les grosses sonorités orchestrales à l’instar de ce que pourraient faire Pallas ou Nolan & Wakeman, par exemple. Nous sommes beaucoup plus dans un registre plus réduit (rien de péjoratif ici) qu’affectionnaient des groupes comme Camel ou d’autres groupes des années 70, ce qui soulève deux problèmes... Un, le ton n’est pas résolument actuel - mais le mélomane peut largement s’accomoder de cet inconvénient ; deux, cela manque un peu de souffle pour évoquer une épopée biblique...
Pour terminer sur le style, Nathan Mahl a effectivement cherché à incorporer des rythmiques plus dures, mais avec une timidité bien loin des canons du métal. En conséquence, les contrastes apportés sont bien trop circonspects pour évoquer la fureur des combats légendaires. Et la production, en laissant les rythmiques plutôt en arrière, et en choisissant un jeu de batterie résolument 70's, donc très plat par rapport à ce que nous entendons habituellement, ne fait que renforcer cette impression d’archaïsme.
Et pourtant, Exodus est parsemé de bonnes idées de composition : les titres sont principalement instrumentaux, ce qui est plutôt judicieux, le vocaliste étant plutôt limité dans son registre (aïe, les aiguës dans Burning Bush et The Last Climb !). Il y a de jolies ambiances 70’s, comme sur Calaan ou Zipporahs Farewell et une belle utilisation de la guitare, plus lisible que les claviers, parfois en roue libre sur certains morceaux (la fin de Price of Freedom, bizarre façon de conclure un album).
Au total, nous avons un opus assez habilement composé. Cependant, avec une production aussi datée, le rendu s’éloigne du but visé à savoir la réalisation d’un opéra-rock au sujet ambitieux. Ce tir à côté de la cible procurera cependant un certain plaisir d’écoute qui ramènera les nostalgiques 30 ans en arrière.