Deux ans après un « Symphonies Of Sickness » les ayant propulsé sur le haut du panier de la scène Grind/Death, Carcass revient avec un troisième album au titre à ralonge : « Necroticism-Descanting the Insalubrious ». Pour la première fois sous forme de quatuor, le trio d’origine s’est affublé d’un certains Michael Amott, guitariste suédois déjà bien connu à l’époque pour avoir entre autre joué sur le premier album culte de Carnage et qui on le sait tous, créera par la suite le groupe de Death mélodique Arch Enemy. En fait, Amott rejoint Carcass sur la tournée de « Symphonies Of Sickness » et les quittera après celle du disque qui nous intéresse ici.
Avec « Necroticism-Descanting the Insalubrious », Carcass s’éloigne encore un peu plus de ses origines purement grindcore. L’évolution des musiciens est assez impressionnante, les gars ont considérablement pris de la bouteille. La présence d’Amott ajoute à cette impression de grande évolution technique, le suédois loin d’être manchot épaulant avec brio Bill Steer et distillant sur tout le disque des soli mélodiques très inspirés.
Un fois de plus c’est Colin Richardson qui se colle aux manettes, mais le son est très différent comparé à l’album précédent. Certains regretteront la spontanéité du mixage de « Symphonies » : « Necroticism » sonne très puissant mais glacial à la fois. Très propre, presque clinique, voilà qui colle parfaitement à l’ambiance générale du disque qui est basée en grande partie sur le thème de l’autopsie.
L’album regorge de riffs incroyablement accrocheurs. Des titres tels que « Corporal Jigsore Quandary », « Pedigree Butchery » ou « Carneous Cacoffony » annoncent même le virage bien négocié de l’album suivant qui sera étiqueté à tort par le newbie des années 2000 - Dès qu’un groupe de Death aligne autre chose que du bourrinage perpetuel, Boum ! et que je te colle du melodeath partout - alors qu’il s’agit bien de Heavy Death… mais il s’agit là d’un autre album, et d’un autre débat.
Jeff Walker maîtrise définitivement son phrasé si particulier. Ce mec là a quelque chose dans la voix qui est assez inexplicable, unique. Rien à voir avec le growl gras et sourd habituellement pratiqué. Il y a quelque chose qui sent le macabé au fond de la gorge, un truc identifiable d’entre tous. « Necroticism » est le dernier album ou Ken et Bill envoient des backing vocals d’outre tombe, et il est très rare que Bill ne vocalise sans Jeff en premier plan, sur le troisième morceau « Symposium of Sickness » par exemple. Le reste du temps ce sont les hurlements acides du petit homme dreadlocké qui monopolisent l’attention.
Le quatrième morceau « Incarnated Solvent Abuse » est incontestablement devenu un classique de Carcass, que dis-je, du Death Metal lui-même. Le clip non dénué d’humour et d’autodérision passe assez fréquemment sur MTV à l’époque, ce qui est assez peu fréquent pour du Death en ce début des 90’s. Même en France, M6 diffusera la bête, c’est dire…
« Necroticism-Descanting the Insalubrious » est un véritable bijou où se mêlent agression, feeling des mélodies, intelligence des compositions et savoir faire pour un rendu final absolument impressionnant et intemporel. A l’époque, Jeff Walker multipliait les interviews condescendantes et hautaines. Owen plus reservé, et Steer qui a toujours affiché un profond ennui pour tout ce qui était promo (on se souvient des baillements bien forcés et le regard au plafond face au journaleux de M6…) laissaient généralement s’exprimer l’ego surdimensionné du frontman qui avec assise et morgue expliquait bien que la scène Death était constituée de la fange… et de Carcass. Alors oui, de prime abord, ça énerve. Mais c’est tellement vrai qu’on le remercierait presque pour sa franchise.