Avec "Dante XXI", sorti en 2006, Sepultura avait réussi un très beau retour en forme et en force après un "Roorback" (2003) assez décevant. "Dante XXI", inspiré de la Divine Comédie de Dante Aligheri, avait permis au groupe de se refaire une santé et de retrouver pas mal de fans dont les réfractaires à la voix très hardcore de Derrick Green. Mais alors que l’on pouvait penser le groupe complètement relancé, dix ans après le départ de Max Cavalera, Sepultura a du traverser une nouvelle étape difficile de sa longue carrière. C’est en effet son batteur, Igor Cavalera, frère de Max, qui a quitté le groupe courant 2006 juste après la sortie de "Dante XXI". Ce faisant, le groupe perdait un autre membre fondateur, laissant le bassiste Paulo Jr comme unique rescapé du line up d’origine.
Pourtant, le groupe s’est relevé sous l’impulsion de Paulo Jr et surtout de son fidèle guitariste Andréa Kisser. Ce dernier, véritable âme du groupe depuis 1996, va réussir encore une fois à garder Sepultura en vie en engageant tout d’abord un nouveau batteur, Jean Dolabella. Et c’est sans perdre de temps que la formation est repartie en studio après une tournée courant 2008, pour nous proposer ce "A-Lex".
Le disque est, comme son prédécesseur, un album concept basé cette fois sur le livre d’Anthony Burgess, Orange Mécanique. Pour retracer l’histoire, le groupe a suivi le schéma du livre, à savoir trois parties principales suivie d'une courte dernière pour retracer le dernier chapitre du film non traité dans le film de Kubrick. Chaque partie débute par un instrumental, "A-Lex" (I, II, III...), délimitant ainsi bien l’histoire.
Musicalement, et à l’image du livre, ce disque s’avère être l’un des plus brutaux que Sepultura ait livré depuis bien des années. On penserait parfois être plongé à l’époque de "Arise" ou "Beneath the remains". La pochette qui montre une sculpture de Kris Kuksi, comme pour le dernier Death Angel, participe d'ailleurs bien à cette impression brutale. A l’inverse d’un "Nation" ou d’un "Dante XXI", qui comportaient pas mal de passages mélodiques, tout ici n’est quasiment que fureur et puissance. L’aspect hardcore est ultra présent grâce au chant toujours aussi impressionnant de Derrick Green et les titres dépassent rarement les trois minutes allant ainsi droit au but.
Et le résultat est très convaincant. En dix-huit pistes, Sepultura retrace avec efficacité et une rare méchanceté le livre de Burgess. La première partie est de loin la plus agressive. Elle retrace en effet les actes de violences d'Alex (héros du livre) et de sa bande. Après un "A-Lex I" sombre mais assez abordable, montant doucement en puissance, le groupe met une grosse claque à l’auditeur avec les quatre titres de cette première partie. Le nouveau venu, Dollabela s’est parfaitement intègré à Sepultura et réussi même à faire oublier Igor Cavalera par sa frappe terrible de puissance et très bien mise en avant. De cette première partie, nous garderons surtout en tête le terrible enchaînement "Moloko mesto", "Filthy rot" qui nous plonge directement dans l’univers de Burgess. "Moloko" s’avère d’une rare violence, "Filthy", avec ses chœurs assez terrifiants, amène une ambiance glaciale.
La deuxième partie, qui retrace le moment où Alex se fait soigner pour son ultra violence, est certes plus nuancée mais elle ne perd pas cette rage et cette énergie déployée depuis le départ. "A-Lex II" illustre d'ailleurs bien la chose, se montrant à la fois heavy et relativement posé. Cinq titres figurent donc au programme, avec tout d’abord un "The treatment" court et plus typé hardcore, dans un genre assez lourd mais moins rapide. S’ensuit un "Metamorphosis" plus posé, démarrant doucement comme pour accompagner l’évolution du livre et de son personnage principal, l’atmosphère restant sombre malgré tout. C’est aussi le cas sur le meilleur titre de cette partie, "Sadistic Values", qui dure près de sept minutes. Démarrant de manière très mélodique avec des parties de chant clair, Green étant d’ailleurs très bon dans ce genre, et un riff de guitare presque atmosphérique, il évolue sur une accélération ultra heavy appuyée par un Dollabela qui fait très mal, et un bon solo d’Andréa Kisser.
La troisième partie, qui voit le héros revenir à la société et subir à son tour les violences qu’il faisait endurer aux autres, est un peu plus courte et est surtout marquée par le titre "Ludwig Van". Sepultura s'est employé sur celui-ci à reprendre divers thèmes de Beethoven. Si le résultat est relativement sympathique, il a un peu de mal à s'inclure dans le reste de l’album. A leur décharge, il était difficile de ne pas passer par Beethoven, tant son nom a marqué Orange Mécanique.
Sepultura achève son histoire avec une courte quatrième partie qui reprend donc le dernier chapitre du livre non traité par le film de Kubrick. Dans cette partie, Alex songe à s’éloigner de la violence. Le groupe, lui, choisit de présenter ceci en un titre, Paradox, purement thrash et idéal pour finir l’album de manière bien violente.
Ce "A-Lex" est donc une belle réussite pour Sepultura qui revient ainsi en force après les épreuves traversées, rappelant qu’il faudra encore compter avec lui. Les fans qui ont aimé le groupe depuis l’arrivée de Derrick Green en 1997 seront sans aucun doute séduits par ce disque. Je ne peux que conseiller aux autres de jeter une oreille dessus. Kisser et sa bande le méritent amplement, rien que pour leur intégrité sans faille.