C’est lentement que Samael a su faire évoluer son art. Etant l’un des groupes à l’origines de la seconde vague Black Metal du début des années 90 avec notamment le très obscur « Worship Him », les Suisses ont petit à petit évolué vers plus de mélodie et de sophistication, apportant de plus en plus d’importance à l’électronique et à l’accessibilité de leurs compositions. Aux trois premiers opus véritablement Black Metal, succéderont des albums de plus en plus léchés pour arriver à une musique lorgnant clairement du côté du métal electro/industriel hyper accessible à la Rammstein.
« Above » casse littéralement cette lente progression (d’autres parleront de régression…) et prend l’auditoire à rebrousse poil… et l’étrille est émoussée ! Dès les premières notes de « Under One Flag », il ne fait aucun doute que les fans qui ont découvert le groupe à partir des années 2000 vont être considérablement déroutés. On comprend ainsi très rapidement pourquoi à la base, « Above » devait être un band project parallèle, et non pas un album estampillé Samael, le groupe parlant du désir de rendre par ce biais une sorte d’hommage à leurs racines. S’inscrivant finalement comme une partie intégrante de la discographie du groupe, ce neuvième album va y faire office de mouton noir, car qui l’aurait cru : Samael n’a jamais sonné aussi violent de toute sa carrière ! Plus de refrain sirupeux, Vorph éructe comme un sauvage tout du long, son frangin Xy part carrément dans les blasts (Samael qui blasts, j’ai carrément du mal à l’écrire !), et on retrouve des mélodies qui auraient pu aisément figurer sur le « Ceremony of Opposites » de 1994, avec comme bel exemple le tumultueux « Polygames » et son assaut d’entrée digne d’un Marduk époque « Opus Nocturne ». L’ensemble reste toutefois accessible et surtout pas linéaire, « Above » regorge de mélodies épiques et même si le clavier se fait un peu plus discret derrière les grattes qui crachent, il est toutefois bien présent sur un titre comme « Illumination » qui reprend plutôt la recette de l’album « Passage » de 1996, ou parfois anecdotique sur le pourtant virulent « Virtual War », dans lequel Xy réussi le pari d’introduire au milieu de la furie une petite mélodie rétro, légère et entraînante.
Pour resituer « Above » par rapport à l’évolution du groupe, cet album de 2009 aurait logiquement pu sortir en 1995 en guise de transition entre « Ceremony Of Opposite » et « Passage ». D’ailleurs, cette même année, Samael reprenait sur l‘excellent EP « Rebellion » le titre culte « Into The Pentagram » issu de l’album de 1991 « Worship him », version modernisée. Ici sur « Above », c’est « The Black Face » toujours issu de ce premier album de 91 qui est repris (et écourté) bien que rebaptisé « Dark Side ».
Connaissant Xy et ses dérives side project de ces dernières années, on pouvait le redouter et c’est arrivé : il n’a évidemment pas pu s’empêcher de nous balancer un titre electro totalement indigeste… Ainsi la seconde plage « Black Hole » est reprise à sa sauce en bonus, quitte a faire office de poil pubien sur la soupe. Espérons, prions même pour que ce titre ne soit pas un aperçu de la prochaine direction que prendra Samael sur son prochain album, car après ce revirement qu’est « Above », tout semble à présent possible.
Samael ne va pas laisser indifférent avec ce nouvel album. Des incompréhensions vont être suscitées parmi ses fans des dernières heures. N’y croyant plus depuis longtemps, c’est pourtant avec bonheur que d’autres vont retrouver un Samael avec une pêche de 15 ans en arrière. En tous les cas, on ne pourra pas leur reprocher de s’être adonné à la facilité qui aurait été de nous réchauffer un préalablement acclamé « Solar Soul » et qui les aurait menés vers un succès commercial facile et évident. Inclinons nous plutôt face au courage des Suisses qui ont pris l’option d’étaler leurs tripes sur la table avec cet album à contre courant. Respect !