Pas de grand changement pour ce « Désir de Vampyr », Blasphème se contentant de resservir avec bonheur la même formule que pour son premier album. Certes, le groupe a progressé en matière de son, celui-ci étant de bien meilleur qualité que sur leur premier essai, mais plus de 20 ans après, force est de constater que la production de Robert Wood paraît désormais très datée et bien faible.
Comme pour bon nombre de groupe de Hard Rock Français de la même époque (High Power, Warning…) c’est la voix très aigüe du chanteur, en l’occurrence Marc Fery, qui surprend. Cette voix si particulière, qui peut charmer par sa puissance mais également irriter lorsqu’elle est poussée de façon excessive dans les aigus, inspirera d’ailleurs le titre « Erreur De Mœurs » au groupe. Dans celui-ci, et à la manière d’un Polnareff 15 ans plus tôt, Blasphème prend le contre pied du parti pris assez machiste de la scène Hard Rock de l’époque en ironisant sur la voix de son chanteur jugée féminine. Avec maturité et humour, une constante chez Blasphème, Marc Fery joue avec la réputation que lui colle une partie du public (« On a tendance à penser par dessous la ceinture que j'ai l'air d'un efféminé rayé par la censure, c’est une erreur je suis chanteur c’est une erreur de mœurs […] Quant à ma voix de castré, par les fruits de la nature, la mère qui m’a enfanté, n’était pas vraiment sûre »). Le groupe prendra toujours un malin plaisir à caresser le public à rebrousse poil sur ce sujet. Notamment lors de leur apparition au France Festival 85 ou Marc Fery interprétera « Erreur de Mœurs » habillé d’un boa en plume autour du cou, ce qui fut très diversement apprécié du public français peu accoutumé à ce genre d’accoutrement.
Cette maturité acquise lors des longues tournées qui ont suivi la sortie de « Blasphème », et ce sens de la dérision démontrés par le groupe se ressentent fortement sur cet album, comme le démontre le premier titre, « Seul ». Dans celui-ci, Blasphème fait un étalage de ses qualités : le titre est entrainant et puissant, le refrain immédiatement assimilable, les paroles (qui évoquent les habitués des filles de joie) sont très travaillées et teintées d’humour, la voix est très changeante et colorée.
Les compositions sont suffisamment variées, pour que l’attention de l’auditeur de faiblisse pas. On passe des mid-tempo, « Saint d’Esprit » et « Au Nom Des Morts », aux plus Heavy, « Contrôle », « Orgies Romaines », « Désir De Vampyr » et « Territoire Des Hommes », en passant par une ballade, l’étrange « Vivre Libre ». Ce dernier morceau, au même titre que l’évolution entreprise par Satan Jokers sur « Trop Fou Pour Toi », est à la fois une réussite artistique et un échec stratégique. Une grande partie du public n’a pas accepté que Blasphème, alors un des portes drapeaux du Heavy français, ait pu composer un titre aussi soft.
Au final, un album un peu moins pêchu et moins direct que son prédécesseur, mais qui démontre un énorme potentiel en termes de sens de la mélodie et de maturité. Dommage que ce grand classique de la scène Hard française n’ait pas connu de successeur, Marc Fery décidant de quitter le groupe quelques mois après la sortie de ce « Desir De Vampyr ».