La grande majorité des groupes (subjectivité je t'étreins !) choisissent le plus mauvais morceau de l'album pour en faire un single ? Est-ce moi ou le grand public qui passe à côté de la pla... tine ?! Rares sont les singles qui font un bide complet... Je dois donc être le fautif, plus que toi qui as aimé ce "Sexy Boots" ! Ou alors le groupe veut que je déteste le single et parte la boule au ventre, pour me surprendre ! C'est nombriliste et... vrai : j'ai été agréablement surpris !
Grand fan de la 3e trilogie du groupe (Achtung Baby, Zooropa, Pop) et légèrement déçu par les 2 derniers albums vrai-faux retour aux sources, j'attendais après 4 ans une remise en question du type "Puisqu'on ne sait plus faire ce qu'on faisait dans les années 80, et puisqu'on ne veut pas absolument refaire ce qu'on a fait pendant les années 90, essayons de mixer le tout pour enfin doter 2000 d'un album qui en vaille la peine de bout en bout" (c'est ce qu'on appelle un longue remise en question !). Il fallait donc synthétiser... et vendre par camions entiers... (pensons à leur label !) !
Premier constat avec "No Line On The Horizon" : Bono a toujours des cordes vocales. Chant à la "Joshua Tree", riffs à la "Achtung Baby", expérimentations à la "Zooropa", rythmique à la "Pop"... Je tiens enfin ma synthèse ! "NLOTH" et "Magnificent" se veulent un rock pop intelligent et fouillé. Seul bémol, que de "Oh oh oh" ! "Magnificent" nous offre un solo made in The Edge, que d'aucun qualifierait de foutage de gueule pour ses 20 secondes et 4 notes... Mais tellement efficace !
Suivent 2 morceaux de 7 et 6 minutes. Le premier titre est typé "Zooropa" : minimaliste et infiniment riche, tel un "Numb" aux atours symphoniques. Les lignes d'orgue et piano illuminent l'ensemble, les cordes émouvantes font le liant. La guitare est omniprésente et épurée et les voix sont parfaitement accordés. La synthèse est réussie, gardons cela en tête...
Belles harmonies vocales sur le 4e titre : les choeurs répondent aux couplets pour un refrain surprenant. The Edge alterne saturations / riffs clairs pour conclure sur une envolée maîtrisée. L'orgue surprend et inquiète : ambiance trop solennelle annoncée ? Raté : il s'efface au second plan et des cuivres discrets soutiennent un nouveau solo. Pas de "Oh oh oh" ! Merci Bono !
La suite se veut plus enjouée et les guitares se mêlent : acoustique, électriques, rondes... La voix de Bono surprend en touchant des aigus amusants mais maîtrisés. Le pont est fabuleux : violoncelle retouché sur rythmique électro et explosion de "Baby, baby, baby" rappellant ceux de "Ultraviolet (Light My Way)" sur "Achtung Baby".
Aïe… le single... Jusque là c'est un sans faute. Le titre n'est pas mauvais et garde les points forts : riffs, ambiance, voix, touches électro... Mais les bips électro du premier "Sexy Boots", qui se répètent, sont des verrues sonores ! Je passe aussi à côté des faciles "Sexy Boots". Le break est parfait et on jubilera en live sur ses "Let Me In The Sound", mais trop tard, j'ai en tête un "Zoo Station" assez proche qui n'est pas inquiété ici...
Et si "Stand Up Comedy" était LE très bon rock-in-your-face de l'album ?! Riff imparable plus affuté, break électro vrombissant et fin de morceau sur un refrain et des "Love, love, love" irrésistibles... et ce n'est pas tout ! Basse claquante, rythmique impeccable, choeurs, couplets parlés saccadés, "Hmmmm" imparables, paroles incisives : rien à redire ! Chef, j'ai le single !
"Fez-Being Born" se lit en diptyque. "Fez" est intime, une voix plane sur plusieurs strates sonores pour faire éclore le second volet "Being Born" à la mélodie simple mais efficace. Lignes vocales et touches de guitares font le reste. Bono débute par des cris entre nouveau né et world music, cris repris avant de voir sa voix soutenue par des choeurs cérémonieux. Fin tronquée ? Trop tard, la magie a déjà opérée !
"White As Snow" vous saisira grâce à un Bono impérial portant le morceau à bouts de... d'octaves mettons ! Des arpèges discrets tissent la mélodie avant que n'interviennent de façon retenue basse et batterie et que s'élèvent des cuivres clairs et prenants. La guitare s'électrise et se mue en mandoline le temps d'un crescendo tout en finesse. La balade s'achève par une nouvelle harmonie vocale splendide.
Tiens ? Du rock ici ? Titre (bonne !) surprise, Breathe offre un dernier souffle à l'album. Un rock plus classique mais prenant, en témoigne le break où les cordes se font graves avant un final guitare / voix en un envol enjoué et lumineux. Pièce manquante d'un "All That You Can't Leave Behind" qui lassait les moins motivés...
Dernier acte : quelques cordes (grattées) venues du Sud et Bono en narrateur à la voix chaude légèrement mise en écho. Le rythme est posé, la batterie douce et nette. Les modulations guitare / basse s'opèrent autour d'arpège intimistes. Quelques speechs radiophoniques nous parviennent au loin. The Edge nous berce et nous transperce... Fin.
"NLOTH" "meilleur album de U2"... est-ce vrai ? U2 ne s'est pas réinventé ici mais s'est auto-synthétisé : 30 ans d'expérience(s) ont parlé d'une voix. Cela aurait pu tourner à la redite, mais le talent du groupe a su créer un produit unique plutôt qu'une somme indigeste. Un album mature et beau tout simplement, un rock intelligent mais pas intello, complexe mais pas compliqué ou chaque pierre rend l'édifice plus sublime. Le meilleur album ? Peut-être pas mais en tous les cas le plus complet et abouti...