Entre la naissance d’Iron Maiden, à la fin de 1975, et la sortie de ce premier album, à la mi-avril 1980, près de 5 ans se sont écoulés pendant lesquels le groupe a beaucoup tourné et fait évoluer son line-up. Il faudrait un roman complet pour revenir sur les jeunes années de cette future légende du heavy métal britannique et mondial. Nous nous contenterons ici de rappeler que le groupe a trouvé sa voix, Paul DiAnno, en 1977 après plusieurs essais non concluants et que son line-up reste encore assez instable. Le deuxième guitariste ici présent, Dennis Stratton, n’est lui resté que peu de temps dans le groupe, juste pour mettre en boîte le disque et participer à la tournée qui suivit. De plus, le groupe vient de changer de batteur. En effet, Clive Burr a remplacé Doug Sampson, resté dans le groupe pendant 2 ans. Enfin, il faut rappeler qu’avant de sortir son premier album, Iron Maiden avait sorti un single en édition limitée en 1979, "The Soundhouse Tapes" enregistré fin 1978.
Cet album comporte 9 titres, pris dans le répertoire déjà fourni du groupe, tous ayant été joués en live depuis ses débuts. L’enregistrement a lieu fin 1979 aux Kingsway Studios de Londres sous la direction de Will Malone. Ce dernier, selon les dires de Steve Harris, ne s’est guère senti concerné par ce qu’il enregistrait. Il en résulte un album brut de décoffrage, aux accents parfois assez punk, la voix de Paul DiAnno y contribuant largement. La pochette du disque et le Eddy représenté dessus renforcent d’ailleurs cet aspect à mi-chemin entre le punk et le heavy métal. Et si le son déplait fortement à Steve Harris aujourd’hui, il donne un certain charme à cet album, rendant assez bien toute l’énergie qu’avait alors Maiden sur scène.
Au niveau des compositions, c’est un sans faute, les titres ayant eu le temps d’être ciselés au fur et à mesure des tournées. Cet album s’apparente donc un bon best of de ce qu’était le groupe à l’époque, prêt à conquérir la planète. Il en ressort une réelle profondeur ainsi qu’une certaine fraîcheur dans chacun des titres.
Fraîcheur, car nous découvrons un groupe en devenir, mixant pas mal d’influences, du punk au heavy métal en passant par le progressif, genre cher à Steve Harris. Et ce mélange s’avère redoutable dès ce premier album. Chaque morceau mérite que l’on s’y attarde, et il ne faut pas oublier que, presque 30 ans après, Iron Maiden en met encore certains à l’honneur en concert, preuve de la qualité du matériel.
L’album commence avec l’efficace « Prowler », titre déjà présent sur les « Soundhouses Tapes », mais repris ici dans une version plus dynamique et de meilleure qualité. Ce titre, taillé pour la scène, est une petite perle de heavy métal avec un riff d’entrée imparable, un excellent solo et des paroles simples et efficaces crachées par un Di Anno très incisif. Dans le même genre, nous trouvons également le premier single du groupe, « Running Free », simple, plein d’énergie et avec un refrain particulièrement répété. Ce n’est peut être pas le meilleur titre de l’album mais c’est un hit en concert et un morceau symbolique du genre. Il y a, bien sur le titre éponyme, morceau le plus célèbre du groupe, joué à chaque concert. « Iron Maiden » est un classique absolu malgré sa simplicité (pas de solo et des paroles assez naïves).
A coté de ces compositions purement heavy, se trouvent des titres plus élaborés, portant déjà la signature Harris, avec un aspect épique et progressif adroitement mêlé à l’aspect heavy métal et à la voix de Di Anno. Et c’est bien ce genre de titres qui fait la force du groupe et qui l’extrait de la masse, sans compter bien sur avec ce son de basse très en avant qui a aussi fait toute sa particularité.
Nous trouvons tout d’abord le très beau « Remember Tomorrow », dont les paroles ont été écrites par Paul Di Anno et qui évoque son grand-père. C’est un titre assez lent avec plusieurs montées en puissance, ainsi que des soli remplis de feeling, le tout dans une ambiance emprunte de nostalgie. Il y a ensuite le formidable « Phantom Of The Opera », classique parmi les classiques du groupe, emblématique du style de composition de Steve Harris, avec un début ultra rapide sur un riff énorme, avant une partie instrumentale plus lente qui monte doucement en puissance pour mieux exploser. Avec « Strange World », nous avons affaire à une ballade en partie acoustique, dont une première version avait été écartée des « Soundhouses Tapes ». Petite merveille de feeling avec un solo splendide de Dave Murray, il fait voyager l’auditeur de fort belle manière. Vient ensuite l’instrumental « Transylvania » souvent repris en introduction des concerts. Il est d’une rare efficacité, heavy et très entraînant. Sans nul doute le meilleur instrumental que le groupe ait composé, taillé lui aussi pour la scène grâce à un rythme et une énergie imparable. Cet album prend fin sur « Charlotte The Harlot » entièrement composé par Dave Murray et première chanson de la saga du même nom.
Même s’il n’est pas parfait, ce premier album reste un grand cru du groupe. Il est surtout la première pierre d’un immense édifice, et une carte de visite parfaite pour un groupe au potentiel gigantesque. Car il ne fait guère de doutes qu’avec quelques petits changements ici et là, le groupe n’aura aucun mal à progresser.