Années 80... le Heavy Metal est en pleine expansion et scandalise la morale américaine bien pensante. Le genre est alors taxé de façon aléatoire mais systématique de satanique, violent, pornographique, incitant à la consommation de drogues ou poussant au suicide… En 1985, le lobby Parents Music Resource Center est créé. Il regroupe des parents scandalisés désireux de lutter contre ce fléau musical et les maux qu’il engendre. Dans le Top 15 des titres honnis, on retrouve Prince, Judas Priest, Van Halen, Def Leppard, AC/DC, Motley Crue. Mais de tous, on imagine sans peine que c’est bien W.A.S.P. qui a du les scandaliser, car s’ils pouvaient difficilement s’attendre à de pieux sermons de la part d’un Judas Priest, comment auraient-ils pu douter de jeunes gens reprenant le sigle des White Anglo-Saxon Protestants !
Car on ne peut pas dire que Blackie Lawless, leader et chanteur du groupe, dissimule longtemps ses intentions ! Dès le premier titre et avec une finesse qui n’a d’égale que la douceur de sa voix, il entonne un tonitruant « I fuck like a beast » animé d’une ferveur tout sauf religieuse ! Mais au-delà des paroles explicites, c’est la voix même de Blackie qui nous assène la plus grande claque… Une voix éraillée, puissante, rauque ou aigue, sexuelle... Par ailleurs, il aurait été compliqué pour nos bons parents de l’époque de s’offenser sur les paroles d’un morceau que la maison de disque avait fait retirer de l’album ! "Animal (Fuck Like A Beast)" ne sera en effet réhabilité qu’en 1998 pour la réédition...
W.A.S.P. évolue dans un registre hard-rock / heavy metal, ce qui l’amène à proposer des titres courts et catchy, aux structures relativement simples mais rugueuses et rageuses. Chaque morceau est un plaisir immédiat, mais assez riche et travaillé pour supporter des écoutes répétées. Tony Richards, qui aura fait comme tant d’autres un passage éclair à son poste, nous gratifie derrière sa batterie d’une partition solide en instaurant des tempi groovy ("Animal (Fuck Like A Beast", "The Flame", "BAD"…) ou endiablés ("Love Machine", "I Wanna Be Somebody", "Hellion"…). De leur côté les soli sont courts et affutés, les 2 six-cordistes présents s’offrant quelques moments glorieux ("Sleeping In The Fire", "Hellion" !). Mention spéciale à "Sleeping In The Fire", ballade de l’album à la charge émotionnelle infinie, qui voit Blackie passer d’un habit viril machiste à celui d’un bisounours libidineux ! La fin de l’album remet les pendules à l’heure en affirmant « The Torture Never Stops » !
Pour faire durer le plaisir, la version remasterisée offre 2 titres bonus : un "Show No Mercy" de très bonne facture, ainsi qu’une reprise de "Paint It Black" des Rolling Stones soumise à l’intarissable appétit sexuel de Blackie, se muant ici en une sorte de monstre sensuel.
Sexe, drogue, alcool, violence...Un cocktail explosif que l'on retrouve dans cet album éponyme qui aura plus fait parler de lui pour ses aspects extrêmes et provocateurs que pour ses qualités musicales. Quoiqu'il en soit, W.A.S.P. a sorti une œuvre majeure qui aura marqué les années 80 et le monde du Hard Rock.