Dans la galaxie des productions à connotation progressive, voici un projet original : l’illustration musicale d’un jeu vidéo. En 2005, Arz est encore le projet d’un seul homme, le guitariste Steve Adams, qui, partant de son instrument, distribue tous les sons via des intefaces MIDI; cette méthode confère à ses productions une tonalité assez particulière qui pourrait coller à l’ambiance des fantasy games. Mais en dehors de l’aspect atmosphérique contenu dans le cahier des charges, les morceaux tiendront-ils par eux-mêmes ? Le côté descriptif ne risque-t-il pas de prendre la pas sur les émotions ? Telles sont quelques unes des questions que l’auditeur angoissé peut se poser à l’entame de ce Last Kingdom entièrement instrumental.
Le suspense se fissure dès les premières mesures : la rythmique, assurée par une batterie programmée et une basse très sourde qui va jusqu’à masquer les arrière-plans, installe rapidement un sentiment d’agacement auditif qui persistera tout au long de l’écoute. Au bout de quelques minutes, tout un chacun ne pourra qu’approuver le recrutement d’un “vrai” batteur pour les productions suivantes, tant la dynamique sonne ici artificiel.
Les fissures s’élargissent lorsque l’écoute progresse : nous ne sommes pas ici dans la construction classique des morceaux progressifs, mais plus dans une juxtaposition d’ambiances successives, traduites par des segments musicaux courts. Cet écueil est directement lié à la nature du projet, descriptif par essence ; cela donne par exemple la séquence suivante : je suis dans un couloir, c’est calme, je pousse une porte, ambiance horrifique, je sors, c’est plus tranquille, je progresse, il y a un endroit merveilleux, je m’éloigne à regret, me retrouve face à un grand danger, je m’arme pour le combat, etc .... En conséquence, nous endurons un saucissonage qui enlève presque tout plaisir d’écoute, car en raison de la brièveté des segments musicaux, aucune émotion n’arrive à s’installer.
Si encore les colorations instrumentales apportaient un peu de variété à cet ensemble lassant, nous pourrions ici trouver quelque réconfort. Hélas, malgré la débauche de technologie MIDI mise en œuvre, les sonorités restent terriblement conventionnelles, ce qui paraît d’autant plus lassant sur des morceaux peu enthousiasmants sur le plan de la composition. Ne cherchez pas dans The Last Kingdom les références à Steve Hackett, ELP, Yes ou autres Rush dont Arz peut se réclamer dans ses autres albums, ici, rien que de l’illustration “standard” d’atmosphères Fantasy.
Et cependant, le cahier des charges est rempli : chacun peut en effet imaginer ce qu’auraient donné ces morceaux associés aux images et au suivi d’un jeu. La Dame du Lac, les mines de la Moria, les batailles épiques, la visite d’un bâtiment mystérieux sont bien décrits, mais très scolairement, avec un vocabulaire musical plutôt réduit. Décontextualiser cette production, c’est à dire faire paraître The Last Kingdom sans son support vidéo, était très dispensable, le résultat étant fastidieux, voire soporifique lors d’une écoute d’une traite. Déception donc que cette deuxième parution d’Arz, beaucoup moins originale que Serai qui avait précédé.