5 ans après le décès de Laurent Bernat (basse) et 24 ans après la sortie de leur dernier album studio, l’avenir de Satan Jokers semblait voué à se conjuguer au passé. Pourtant la présence au sein de la compilation « Hardcore collectors », sortie en 2008, d’un inédit et d’une version réactualisée d’un de leurs anciens titres ne faisaient qu’annoncer le retour du bouffon diabolique avec ce SJ2009.
Alors, que penser d’une telle démarche, alors qu’un seul des 4 membres du groupe participe réellement à cet album ?
Le choix fait par Renaud Hantson de publier ce disque sous le nom de Satan Jokers, alors qu’il lui était aisé de le sortir via un de ses autres projets, implique que celui-ci doit être apprécié, non seulement au regard de ses qualités propres, mais également au regard de l’héritage dont il est porteur ; impossible de faire table rase du passé.
Et force est de constater que la majorité des titres est soit excellente à l’image de « Union Sacrée Des Assassins », « Indien De Demain », « Mouroir » ou « Professionnelle », soit très bonne (« Ma Guitare », « Combat », « Silicone Baby », « Paris Nuit »…). Il n’y a guère que « Voodoo », « Addiction Souffrir Avec Elle » et « Electrique » qui sont d’un niveau moindre, sans pour autant être mauvais.
Le son est moderne et puissant et permet à tous les instruments de briller. Les compositions sont inspirées (mention spéciale au rapide et efficace « USA - Union Sacrée Des Assassins ») et variées. L’interprétation est époustouflante de qualité. Mais c’est là que le bât blesse. On ne retrouve pas la folie et la technicité de la section rythmique historique. Que l’on ne se méprenne pas, Renaud Hantson (Batterie), Joe Steinmann (Batterie, Furious Zoo), Marc Varez (Batterie, ex Vulcain, Blackstone) et Pascal Mulot (Basse) sont très efficaces. Mais ils sont d’une sobriété qui ne correspond pas au style de Satan Jokers. Pascal Mulot notamment, que l’on a connu exubérant en solo, est étonnamment mesuré et sobre ; aucun solo, aucun break, aucun contre rythme à l’horizon. Il en va également de la voix de Renaud Hantson. Rien, à redire en terme de puissance et de hargne, le bougre a du métier et est visiblement toujours animé par la passion. Mais la folie propre à Satan Jokers est un peu absente.
De manière surprenante, il en est tout autrement avec les guitares. Alors que celles-ci n’ont jamais été le point fort du groupe, nous avons ici droit un festival de six cordes. Que ce soit au niveau des rythmiques, agressives (« 200 Chronos ») et précises, des chorus et des riffs qui savent se montrer tour à tour originaux (« Indien De Demain » et ses sonorités étranges) et séduisants (« Unions Sacrée Des Assassins », « Mouroir ») et des soli très techniques. Olivier Spitzer (Ex Stators, Furious Zoo) et Michaël Zurita (Taï Phong, Gogol 1er, Anyway) ne ratent pas une occasion de faire montre de leur talent. Stéphane Bonneau, le guitariste historique de Satan Jokers, est crédité sur trois titres, « Union Sacrée Des Assassins », « Sorcier remix 2008 » et « Ma Guitare ». Sympathique certes, mais il serait exagéré de dire que ses interventions transcendent l’album, même s’il n’apparaît que sur de très bons morceaux.
Comme il le faisait avec Pierre Guiraud dans les années 80, Renaud Hantson partage le chant avec Zouille (Didier Augustin, l’ex chanteur de Sortilège) sur « Indien De Demain ». Si c’est un réel plaisir de voir ces deux « monstres » du Hard Rock français mêler leur talent sur ce très bon titre, il n’en reste pas moins que la rugosité du chant de Pierre Guiraud et les modulations dont Hantson était coutumier sont ici aussi malheureusement absentes. De plus, cette association n’est pas sans rappeler Furious Zoo, l’autre groupe de Renaud Hantson, au sein duquel Zouille intervient également. Zouille assure également les chœurs, avec Olivier Del Valle (Shannon) sur « Paris Nuit », « Electrique », « Professionnelle », « Lunettes Noires ».
Au niveau des paroles il n’y a pas grand-chose à dire, le style propre à Satan Jokers est bien respecté. Le groupe nous gratifie de textes dans la plus pure tradition du Bouffon diabolique. Ceux-ci allient, avec bonheur originalité, douce provocation et cette petite touche de facilité/puérilité qui concourt au charme de Satan Jokers.
L’album se clôt avec la nouvelle version d’un titre tiré de l’album « III » (1985), « Sorcier Remix 2008 », déjà présent sur « Hardcore Collectors ». Alors que l’exercice est des plus périlleux, le groupe s’en sort assez bien en faisant le pari de la modernité avec un tempo dansant et des sonorités très actuelles. Surprenant, mais plutôt réussi...
Alors, que penser au final de la réunion de cette « Dream Team » qui réunit des ex membres de Satan Jokers, Sortilège, Vulcain, Strators, Rondat, Shannon…, mais qui ne comprend plus qu’un quart du line up originel ? Le résultat est assurément une réussite ; l’album est riche, varié, puissant et inspiré. Sauf que sortir celui-ci sous l’étiquette Satan Jokers n’est pas des plus judicieux. Si sur de nombreux points (textes, structures de certains titres, importance du chant…) le disque présente incontestablement une filiation avec ses prédécesseurs, il manque un peu de cette folie et de ce coté progressif que l’on pouvait trouver dans l’album « III ». De plus, si l’on peut considérer que les guitares sont une réelle progression par rapport au passé, la section rythmique fait moins rêver et le chant moins voyager. Mais arrêtons de chipoter, l’album est tout simplement bon et présente peut être le meilleur compromis possible entre nostalgie et modernité. Renaud Hantson a réussi à éviter le piège du retour poussif en nous proposant là un avenir plus que crédible…
Titres à écouter en priorité : « Union Sacrée Des Assassins », « Mouroir » et « Indien De Demain »