Attention, album de folie ! On croyait avoir tout entendu en matière de longue suite avec "Amarok", l'album de Mike Oldfield aux soixante minutes réparties sur une seule immense suite - qui rappelons-le, avait voulu un peu jouer un tour à sa maison de disques - et le titre de la même durée fait par les Flower Kings "Garden of dreams"… Le guitariste virtuose George Bellas (GB) a réussi à surpasser ces records avec un album constitué d'un seul gigantesque morceau de plus de 75 minutes !
Après son long silence de trois ans et la sortie successive des deux albums de Palace Terrace fin 2007 et de son album instrumental "Planetary alignement" début 2008, Bellas a retrouvé un regain d'inspiration et s'est tout de suite remis au travail, avec la collaboration du batteur allemand Marco Minnemann, dont les qualités de virtuose spécialiste de la polyrythmie sont de plus en plus reconnues.
A la différence de son précédent album qui était basé sur des parties rythmiques souvent très saccadées et éternellement changeantes, "Step into the future" est plus accessible malgré son étonnante longueur. Le guitariste, comme d'habitude, assure aussi la basse et les claviers sur ce nouveau disque. GB a voulu privilégier les mélodies et les ambiances pour réaliser un album plus rock progressif que heavy metal.
La guitare n'est ici qu'un élément de l'ensemble, à laquelle sont dévolues des parties très techniques certes, mais qui ne domine pas forcément les arrangements en permanence. Comme sur le disque de Palace Terrace, les orchestrations de synthés très symphoniques sont fréquentes et les claviers sont d'une importance essentielle. La basse est loin de n'être qu'un simple instrument d'accompagnement, de même que la batterie au son feutré de Minnemann. Loin du barrage sonore auquel trop de productions nous confrontent depuis pas mal d'années, "Step into the future" est un disque plein de subtilités, aussi bien musicales que sonores. Les influences sont nombreuses. Si la musique classique reste une part importante du bagage du musicien, les références ne sont pas des plus habituelles. On sent que George Bellas a écouté non seulement Bach, Mozart et Beethoven mais aussi Stravinski, Bartok, Carl Orff, peut-être Debussy - dans ce qu'ils ont de plus mélodique – et on trouve même des éléments de jazz rock. Sans citer de compositeur en particulier, les musiques de films de science-fiction semblent également avoir marqué le musicien. En fait "Step into the future" est plein de thèmes mystérieux. Les ambiances se succèdent, parfois assez vite, symphoniques, majestueuses, tendues, apaisées, puis dynamiques, voire parfois frénétiques puis purement élégiaques (NDLR : une élégie est un genre de poésie dont le sujet est triste ou tendre) …
Vers 47 minutes GB surprend encore lors d'une section sans guitare avec des chœurs et une batterie et des rythmes à la coloration africaine.. C'est pour dire si on est loin du disque de "shred" classique… Quant au son, il n'y a pas de surenchère. Les guitares sont nettes, plaintives, les claviers limpides, la batterie et la basse, nettement audibles mais très chaleureuses, sans les tics sonores à la mode sur la batterie (genre caisse claire creuse, grosse caisse au son bourrin, etc.).
Le seul reproche que l'on puisse faire à GB est cette idée assez folle de ne faire qu'un seul numéro d'index sur le CD… 75 minutes et 1 morceau ! Qui peut aujourd'hui se permettre d'écouter une heure un quart de musique sans interruption ? C'est donc vraiment dommage de ne pas avoir découpé cette immense suite en quelques parties enchaînées, ce qui n’aurait pas nui à la cohésion de l'ensemble. Ceci dit, si le voyage est long, il vaut vraiment la peine d'être entrepris et, pourquoi pas, accompli d'une seule traite.