Il y a bien longtemps que nous n'avions pas eu la moindre nouvelle du multi-instrumentiste américain Chris Fournier, connu dans les années 90 pour ses albums instrumentaux sous le nom de Fonya. Intéressé par le rock progressif de Yes et Genesis mais aussi par Tangerine Dream, notre homme, un très bon bassiste à la base, mais aussi claviériste et guitariste, nous avait offert de longues suites aux arrangements variés, où les synthétiseurs aux textures futuristes et les guitares aux sons souvent altérées par des effets électroniques contrastaient avec une basse ronde et chaleureuse. Seule la batterie programmée laissait parfois un peu à désirer (surtout aux débuts, sur "Souls Travels").
Après un passage à vide Chris a mis à jour son studio personnel et décidé de sortir dès 2007 une collection variée de morceaux composés sur une assez longue période. "Project Moonbeam" rappelle souvent le son et les styles abordés par Fonya, mais on note aussi pas mal de nouveauté. Tout d'abord, il y a la contribution quasi-omniprésente de Cyndee Lee Rule qui a aussi participé à l'élaboration de certaines mélodies. Son violon électrique enrichit sérieusement la palette sonore de l'album. De plus, deux morceaux sont chantés.
Le multi-instrumentiste a ici intégré quelques éléments sonores des années 70, à côté de ses textures de synthés modernes, planantes et cristallines plus typiques. Ainsi, les deux sons les plus célèbres du mellotron (cordes, choeurs) sont souvent de la partie. Les guitares sont également nettement plus importantes qu'auparavant et l'on retrouve sur quelques morceaux un son proche du Hawkwind du milieu et de la seconde moitié des années 70, ce qui fait de Project Moonbeam un projet hybride, entre musique électronique influencé par Tangerine Dream, space rock et rock progressif.
Au niveau de la section rythmique, et bien que Fournier soit un bassiste émérite, les percussions programmées apportaient un côté artificiel pouvant être plus ou moins apprécié. Ici, nous retrouvons parfois ces programmations un peu froides mais bien meilleures et Fournier a également fait appel à deux véritables batteurs suivant les morceaux, ce qui fait une nette différence. Même si certaines pièces plus synthétiques s'accommodent bien des percussions artificielles, nous aurions aimé que le style de percussion utilisé sur des morceaux comme "Air" soit plus dominant.
Par ailleurs, Chris est également amateur de musique électronique, pas seulement Tangerine Dream, mais aussi de techno… il a d'ailleurs développé un projet dans ce style. Il en reste quelques traces ici, notamment sur "Reality Is" par exemple, même s'il ne s'agit jamais de musique de danse…
Un morceau comme "Quarkz" est plus sombre et psychédélique au début, avec une basse ronflante et un mélange de guitares acoustique et électrique (plutôt saturée), sur fond de mellotron spatial, de même que les plus électroniques "Theme One" et "Theme Two", des pièces splendides aux textures profondes et claires, qui rappellent les instrumentaux de Hawkwind vers "Hall Of The Mountain Grill", "Warrior At The Edge Of Time et "Amazing Sounds, Astounding Stories" ou encore Ozric Tentacles.
Bonne surprise au niveau des deux morceaux chantés : le premier, "Speculation", qui est aussi le morceau le plus long de l'album, est magnifique, doté d'une mélodie majestueuse, avec de beaux solos de guitare et des choeurs de mellotron, alors que la voix assez claire, profonde et juste de Nick Kerzner, généreusement renforcée par la réverbe, est fort agréable. Celle d'Anthony Fournier sur "Man I Was", qui rappellera vaguement Porcupine Tree avec son mélange de guitare acoustique et de synthés éthérés est également suave et plaisante, même si un peu plaintive et fragile.
Pour son retour sur la scène musicale, Chris Fournier a été plutôt inspiré et, ceux qui, comme moi, le connaissaient depuis longtemps seront sans doute agréablement surpris par cette nouvelle réalisation et donc impatients d'écouter ce que ce musicien méconnu produira par la suite.
Seul regret : l'absence de morceaux plus développés, voir de longues suites aux thèmes entremêlés comme Fonya savait bien le faire. Mais ce sera peut-être pour le prochain disque qui ne mettra pas, souhaitons-le, de longues années pour sortir comme celui-ci.
Difficile à trouver, ce CD peut être pourtant commandé pour un prix modique sur les sites www.kinesis.com et www.cdbaby.com pour l'instant.