Donner un successeur à « Répression » et son million d’exemplaires vendus, n’était pas une chose aisée. Si on se contente de regarder les chiffres de vente, « Marche Ou Crève » et ses 30 000 copies écoulées, est un naufrage total. Pourtant il en est tout autrement au niveau musical. En effet, s’il est illusoire de vouloir rééditer le miracle « Répression », Trust nous a quand même pondu un très bon 3ème disque.
Celui-ci semble un tantinet plus dur que son prédécesseur, du fait notamment d’une moins grande diversité dans les thèmes, dans les instruments utilisés et les styles musicaux abordés. En effet, à l’exception de « Ton Dernier Acte », un titre tout en retenu qui évoque la disparition de Bon Scott, le reste est assez rentre dedans et assez compact. Ici, plus de piano, de saxophone ou de chœurs, mais des guitares très brutes.
Les compositions sont d’un très bon niveau, et on dénombre quelques classiques du groupe : « Certitude… Solitude », « Marche Ou Crève », « Les Templiers », « La Junte », « Misère », « Répression », quasiment tout l’album en fait. Il est à noter que Moho (guitare) est crédité en tant que co-auteur de 4 des 10 titres. Malheureusement la qualité de la production a baissé d’un cran et surtout elle manque de constance. Le groupe a pourtant pris son temps pour la conception de cet album ; 7 semaines d’enregistrement au Polar Studio de Stockholm et 2 semaines au Battery Studio de Londres pour le mixage. De plus, Trust a fait appel à un ténor de la console. Le groupe partage en effet la production avec Tony Platt qui venait de s’illustrer, entre autres, sur le « Foreigner 4 », sur « Back In Black » et « Higway To Hell » d’AC/DC et sur le « Phantom Of The Opera » d’Iron Maiden.
Le son des guitares est moins précis et moins aigû que par le passé. Cela est peut être du à l’arrivée d’un second guitariste, Moho. Le chant est également un peu plus brouillon. La diction de Bernie, qui était pourtant un des points forts de « Répression », est là bien malmenée. On a parfois le sentiment qu’il zézaye ou bien que le son crachote. C’est bien dommage car au niveau de la puissance vocale, il n’y a rien à dire, Bernie n’a jamais été aussi en voix, aussi hargneux (« Marche Ou Crève ») et son débit est assez impressionnant. On aimerait parler de l’arrivée de Nicko Mc Brain (futur Iron Maiden) aux baguettes, mais soyons honnêtes, sa prestation n’est pas des plus marquantes.
Le sentiment qui ressort de cet album est que le groupe cherche à asseoir sa crédibilité après l’énorme succès qu’il rencontre et que de ce fait il renforce son côté abrasif, tant au niveau du son, qu’au niveau des paroles. Celles-ci sont en effet particulièrement violentes et concernées. Que ce soit au travers de « La grande Illusion » et sa critique de la classe dirigeante et du jeu électoral, de « Les Brutes » qui évoque l’intervention des troupes du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie durant le « Printemps de Prague » ou bien « Misère » qui dépeint une Angleterre ravagée par le conflit irlandais et la politique libérale de Tatcher, le verbe est très dur et sans concession. Enfin, presque sans concession, la version anglaise de l’album, intitulée « Savage », sera amputée de la transposition britannique de ce dernier titre.
Certains y verront une preuve de maturité, d’autres le premier signe de compromission du groupe et l’annonce du caractère plus policé des albums à venir. Mais de compromission, il n’en est pas question avec « Marche Ou Crève ». Les 9/10ème de l’album ne sont que hargne et colère. Il n’y a guère que l’émouvant « Ton Dernier Acte » pour clôturer le disque dans un calme, tout relatif, avec son célèbre « Les murs de la cité résonnent AC/DC ».
Titres à écouter en priorité : "Les Brutes", "Certitudes... Solitudes", "Ton Dernier Acte"