Tout comme cela était le cas avec son premier album, le quatrième disque de Trust ne porte pas de nom, il sera de ce fait communément appelé « IV », ou parfois « Idéal ». Après leur très violent 3ème disque, qui avait été un « échec » commercial au regard des résultats de son prédécesseur, Trust se devait de réagir. Mais de quelle manière ?
Difficile d’opposer l’intègre « Marche Ou Crève » au commercial « Répression ». Ce dernier, bien que très varié et n’ayant pas grand-chose de commercial, ne doit l’énormité de son succès auprès du grand public qu’à un morceau d’exception : « Antisocial ». Alors que faire ? La voie prise par Trust est un peu bâtarde et surtout très déconcertante. Le groupe propose un album à deux facettes assez distinctes.
La première face du disque (nous sommes encore à l’ère du vinyle) est assez proche de l’esprit de ses prédécesseurs. Des titres Heavy aux textes incisifs et concernés comme « Varsovie » qui traite de la situation politique en Pologne alors en « Etat de Guerre », notamment au travers du Syndicat Solidarnosc dont la pochette de l’album reprend les couleurs, « Par Compromission », qui aborde une fois de plus un thème cher à Trust, la religion. Mais des titres variés comme « Idéal » aux sonorités et à la structure très commerciale. Ce titre, sera largement diffusé en radio, et génèrera une réaction d’incompréhension de nombreux fans qui crieront à la trahison à l’écoute des chœurs et des saxophones. Nous ne sommes pourtant pas très loin de certains titres présents sur « Répression ».
La différence essentielle est plus à chercher dans les textes qui sont bien plus obscurs et moins directs que par le passé. Difficile en effet, d’interpréter avec précisions l’accumulation de brides de phrases qui compose ce morceau. Ce changement de style est également perceptible sur des morceaux comme « Le Pouvoir Et La Gloire », et à un degré moindre dans « Les Armes Aux Yeux » (qui aborde l’univers carcéral, autre thème de prédilection du groupe). S’il est difficile de porter un jugement artistique et de dire que les textes sont moins bons ou moins travaillés, il est indéniable qu’ils sont moins évidents à cerner.
La deuxième partie du disque, appelée à l’époque « La face du diable », est quant a elle totalement différente de l’inspiration habituelle du groupe. Attention, nous sommes là bien loin des incantations à la Venom ou à la Black Sabbath et à mille lieus des errances bucoliques de Deïcide. Le groupe s’est considérablement éloigné de son style habituel et s’est inspiré pour l’occasion de « La Damnation De Faust », l’opéra de Berlioz. Le livret intérieur montre Méphistophélès enlaçant de manière ambigüe une de ses victimes.
L’ensemble est puissant, et baigné dans une atmosphère un peu trouble qui est renforcée par l’utilisation de sonorités inhabituelles pour Trust. Des chœurs religieux accompagnent « Le Pacte », des violoncelles enrichissent « Purgatoire », des bruitages angoissants sont incorporés dans « Jugement Dernier ». Les paroles sont très inspirées et abordent en filigrane un thème qui devient cher à Trust : l’intégrité. Avec cette question récurrente, doit-on vendre son âme au diable pour réussir ?
La production est excellente, tout autant que l’interprétation. Il faut d'ailleurs noter l'arrivée de Clive Burr aux baguettes. Celui-ci apporte un plus réel par rapport à ses prédécesseurs et est d'ailleurs mixé très en avant.
Le résultat final est assez surprenant et l’on peut comprendre aisément que lors de sa sortie, ce disque ait été considéré comme un peu bancal et comme étant taxé de tentative commerciale par les fans du groupe. Pourtant on ne peut que saluer la démarche courageuse et novatrice du groupe. Avec un effort supplémentaire sur certains textes et un ou deux titres en plus, Trust aurait pu nous proposer un nouvel album de référence.
Les morceaux à écouter en priorité sont : « Par Compromission », « Idéal », « Purgatoire ».