Quel est le point commun entre Trust et Jean-Jacques Goldman ? Réponse : l’album « Rock ‘n Roll » et plus précisément le titre « Serre Les Poings », que ce dernier a composé. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la bande à Bernie et à Nono a fait appel à l’usine à tube qu’est alors J.J. Goldman (qui est en passe de sortir son album « Non Homologué » qui ne comprendra pas moins que « Je Te Donne », « Pas Toi » et « Je Marche Seul ») pour composer un des titres de leur cinquième album. Surprenant pour un groupe qui a su, par le passé faire la preuve de sa créativité et de sa capacité à composer de véritables hymnes. Alors, volonté de varier son propos ou bien tentative d’élargir son audience et de renouer avec le succès rencontrer avec l’album « Répression » ?
S’il est bien difficile de répondre à cette question, force est de constater que le premier morceau, "Chacun Sa Haine" incite à privilégier cette seconde option. En effet, le titre est assez quelconque et surtout ne recèle aucune trace de cette intensité et de cette hargne que Trust exprimai pourtant si bien. Le chant est plat et sans passion, le texte est insipide et à la limite du compréhensible, les guitares sont très sages, bref le constat est assez amer.
Heureusement, la suite est d’un tout autre acabit, et dès « Mongolo’s Land » on retrouve un groupe inspiré et efficace. Sur les 9 titres qui composent cet album, on peut considérer que 4 à 5 d’entre eux sont d’un très bon niveau. Le précité « Mongolo’s Land », « Paris », « Surveille Ton Look », qui fera l’objet d’un ré-enregistrement sur l’album « 13 A Table », « I Shall Return » et le très FM, « Avenir » dans une moindre mesure. On peut toutefois regretter la production sans relief qui prive ces morceaux de ce « petit plus » qui transforme un très bon morceau en incontournable. C’est notamment le cas de « Mongolo’s Land » et « I Shall Return » qui seront présentés sur plusieurs scènes du Sud Est de la France lors de la tournée pré Bercy 1998 dans des versions autrement plus efficaces. Le morceau « phare » de l’album, « Serre Les Poings », est plus étonnant que mauvais. Difficile en effet d'associer Trust avec ces nappes de synthé et avec ces refrains bien gentils même si le morceau est agréable et entêtant. Cette orientation « FM » est assez marqué sur l’album puisque qu’avec le très quelconque « Rock ‘n Roll Star » et « Avenir », ce n’est pas moins d’un tiers des chansons qui sont dans ce registre.
Alors a qui attribuer cette direction musicale ? Celle-ci ne semble pas provenir d’Yves « Vivi » Brucot qui prend de plus en plus d’importance dans le groupe ; il chante un passage entier du titre « Paris » et il compose la musique de deux des meilleurs morceaux « I Shall Return » et « Surveille Ton Look ». Nono est quant à lui bien plus effacé sur cet album, au même titre que Bernie dont la voix est bien sage et dont les textes sont très inégaux.
Toujours est-il que, si « Idéal » était un peu bancal, mais sans plus, cet album est le premier réel faux pas du groupe. La production y est bien plate, les compositions d’un niveau trop inégal et surtout, il manque cette rage, cette urgence, cette passion qui ressortait jusqu’alors des albums du groupe. Mas attention, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, il reste de très bons passages sur ce disque, et ce n’est qu’au regard de la qualité exceptionnelle de ses prédécesseurs que l’on peut se permettre ce jugement. Le sentiment général est que, à l’exception de certains textes, le fond est là mais que la forme est absente. Ce sentiment est renforcé par l’écoute des excellentes versions des morceaux de cet album en live, que ce soit sur le mini disque « En Attendant », sur le live « Paris By Night » ou sur le live enregistré dans les studios de RMC en septembre 1988.