“Encore du néo !” se dit l’auditeur à l’entame de Vision, la dernière production du quintette allemand Martigan. Et pourtant, à bien y regarder, les productions estampillées “néo-progressif”, ce style qui fait la part belle aux langoureux accords de claviers moelleux, ne sont pas si nombreuses que cela, bien moins répandues que les parutions métal par exemple.
C’est que le genre a ses limites et ses détracteurs : les précurseurs comme Marillion ou leurs adeptes, assez nombreux vers la fin du siècle dernier (ça fait bizarre d’écrire ça, j’ai l’impression de parler de temps préhistoriques !), les prédécesseurs donc ont semble-t-il tout dit, et il est toujours difficile de faire du neuf avec du vieux. Les détracteurs ont donc la partie belle pour railler sur le côté douceâtre et vieillot du genre, se réfugiant vers des groupes plus contrastés comme Riverside ou Arena, qui ont su doper leurs propos par une ryhtmique plus athlétique.
Heureusement, Martigan n’est pas un nouveau né dans la galaxie néo : Vision est sa sixième parution si l’on inclut l’EP Simplicius de 1997, et le groupe tourne depuis une quinzaine d’années. Il y a donc un savoir-faire manifeste dans un registre rappellant celui de Pendragon, notamment par les interventions de la guitare, qui accapare la majorité des soli instrumentaux, The Contract étant la preuve la plus audible. Le style est quand même plus théâtral, avec un chanteur d’allure vicking mais doté d'une voix Gabriellienne, proche du timbre de Nad Sylvan d’Unifaun pour être plus précis, forçant parfois un peu l’expressivité et privilégiant de temps à autre la narration à la musicalité pure comme sur Touch in Time, Much More, deux morceaux un peu surjoués. A cela s'ajoute un guitariste accentuant ponctuellement les effets de façon exagérée tel sur le démonstratif Craze This Town ou sur Red & Green, dans lequel ceux-ci sont un peu trop mis en avant. Attention, ce sont des détails mineurs, plus à mon avis une dérangeante façon de se singulariser qu’une entrave à l’écoute !
Vision est en somme un disque tout à fait représentatif du néo : l’auditeur est partagé entre un plaisir d’écoute immédiat du au style très accessible -voyez, non, écoutez Red & Green ou Much More, bien articulés - et un agacement fugitif lié à des contingences que les compositeurs n’ont pas su dépasser : les deux épics, Boatman’s Vision et The Contract, restent assez conventionnels et souffrent pour le premier d’un refrain saoulant, et pour le deuxième d’une fragmentation qui ne laisse pas s’épanouir les développements instrumentaux (à la sixième rupture, j’avoue avoir un peu râlé !). Plaisir mitigé donc, mais presque inhérent au style. Il ne manque que la petite étincelle qui remonte l’attention au cran supérieur.