Etre chroniqueur, c’est prendre des risques et tomber sur des disques qui dès la première approche vous laissent penser que vous n’êtes pas tiré d’affaire et que les trois prochaines écoutes minimum nécessaires à la rédaction de la chronique vont être longues, très longues même. C’est un peu le cas pour le dernier album de XII Alfonso, groupe français déjà remarqué pour, entre autres, ses concept-albums sur le peintre Claude Monet. Et voici donc un nouveau concept, entièrement instrumental (à l’exception de quelques dialogues fort dispensables), dont l’auditeur est en droit d’attendre beaucoup au vu des instruments utilisés, multiples et originaux.
D’ailleurs, le disque commence fort avec "Life Time", qui donne le ton général : samples, ambiance principalement atmosphérique, mixage irréprochable, incursions jazzy avec cuivres et guitare électrique, percussions subtiles et soli impeccables… L’ensemble évoque un croisement entre la world music et le prog atmosphérique, mélange improbable d’influences et de traditions instrumentales différenciées qui fait pourtant mouche. Et le deuxième morceau, "Evolution", ne gâchera pas l’excellente impression laissée par cette ouverture : le thème mélodique principal est introduit à la guitare sèche sur fond de pads aériens et cotonneux, tandis que l’aspect expérimental de l’album se dévoile peu à peu.
Le troisième titre s’ouvre sur un jazz moderne et rythmé, que la mélancolie du thème vient frapper de plein fouet : et c’est là que les choses commencent à se gâter... Décidément, tout cela rappelle furieusement un très jeune compositeur et multi-instrumentiste des années 70 qui s’était fait connaître en taquinant la cloche tubulaire sur son premier album. Je veux parler de Mike Oldfield évidemment. Comme parrainage, XII Alfonso pouvait plus mal tomber. Mais l’ennui, c’est que nos trois Français arrivent plus de 35 ans après le chef-d’œuvre oldfieldien. Bien sûr, ça groove un peu plus, les incursions dans le jazz sont franches et marquées, mais globalement, l’approche est identique.
Au-delà de cette filiation rapidement envahissante, « Under » souffre de trop de longueurs pour reste convaincant d’un bout à l’autre. Certes, le thème est superbe, sensible, d’une grande richesse dans sa simplicité même. Mais le reste est trop froid, trop mécanique ; lorsque le propos se fait plus violent, sur fond de riffs saturés et de batterie métal/électro ("Atom" par exemple), le groupe semble à contre-emploi et avoir fait un choix qu’il n’est pas capable d’assumer – et que le mixage hésite fortement à mettre en valeur. En fait, cet album sonne trop premier degré… XII Alfonso n’a pas su prendre de la distance avec son projet, directement lisible et de ce fait rapidement sans surprise. Complexes et paradoxalement immédiats, les morceaux finissent par n’attiser qu’un léger ennui, et hormis le thème et ses multiples réexpositions, rien n’attire véritablement l’oreille, rien ne vient réveiller nos sens engourdis.
Au sein d’un même titre, les ambiances s’enchaînent mécaniquement et cette débauche d’artifices qui touche aux structures mêmes des compositions interdit toute autre émotion qu’un respect sincère pour la qualité de l’exécution. De la part d’un album qui semblait avoir pour ambition le brassage des styles et des cultures musicales, c’est bien peu...
Si je voulais résumer en une phrase : un grand Mike Oldfield s’écoute, tandis que ce nouveau disque de XII Alfonso ne se laisse qu’entendre, en fond sonore de préférence.