Charlie Granberg et son Hellsingland Underground sont des usurpateurs. Avec ce premier album éponyme, cette formation fait croire à qui veut l'entendre, mais avec une authenticité quasi-parfaite, que le rock sudiste qu'elle pratique depuis seulement 2006 lui fut, semble t-il, inspiré par une soit disant vie passée non loin du Golfe du Mexique. Ceci étant, et malgré tous ses efforts pour se dissimuler sous des apparats de groupes du Sud-est des Etats-Unis comme leurs aînés de Lynyrd Skynyrd ou de The Black Crowes, la vraie histoire du sextet s'est très vite vue ôter le voile de la tromperie.
Encore fallait-il effectuer un véritable travail d'investigation pour enfin débusquer les origines suédoises du combo (de la région d'Hälsingland plus précisément) car avec ce son caractéristique du duo de guitares versant dans un rock bluesy agrémenté de piano, d'orgue et parfois d'harmonica, l'illusion avait toutes ses chances d'être complète et donc indétectable.
Malgré des références dans les textes à leur Scandinavie natale, Hellsingland Underground se fait le guide, le temps d'une dizaine de titres, d'un voyage à travers les paysages du sud de l'Amérique. C'est d'ailleurs par le bruit d'une locomotive quittant la gare que s'amorce l'album, frottement de fer et échappement de vapeur qui se retrouvent en fin de trajet en guise de point final à l'aventure.
Ainsi avec des morceaux joyeusement rythmés au gré des arpèges des six cordes emmenés par le chant doux et subtil de Granberg, le groupe prend le partie d'insuffler une belle dose d'insouciance et de gaieté apparente, à l'image de "Northern Country Boy" qui puise des éléments dans le folklore américain pour en donner une enthousiasmante retranscription. Même constant avec le pavé instrumental de près de huit minutes que forme "Ljusnan Riverside Jam" mais qui, de son côté, apporte un pendant plus psychédélique, plus seventies par lequel s'appréciera le jeu fringant et le court solo de Patrik Jansson derrière ses fûts.
De temps à autre, un harmonica se fait le porte drapeau d'un rock aux teintes blues plus nostalgiques, plus tempérées ("Shadow Of The Old You") pour lequel le tempo se ralentit sensiblement. L'ambiance devient alors plus solennelle ou emplie d'une réconfortante douceur comme sur l'empoignant "Lost In The Woods".
Ces suédois sont donc des usurpateurs mais de la meilleure espèce. En un seul et premier album, Hellsingland Underground gagne déjà les gallons des grands du genre et peut prétendre les garder si derrière tout ça Grandberg continue à offrir de tels moments d'exception, ne souffrant d'aucune faiblesse notable, et s'appuyant en outre sur une remarquable production.
Dans la lignée d'une réalisation aussi aboutie que l'est "Warpaint" offert par les corbeaux noirs quelques mois auparavant, Hellsingland Underground peut désormais se targuer d'être un nouveau et fier représentant du Southern Rock. Une réussite totale aussi éclatante qu'inattendue.