Mai 1984 : à la même période sortent deux albums majeurs de la scène Hard Rock française, les premiers albums éponymes de Sortilège et de Blasphème. Ces derniers, originaires du sud de la région parisienne, sillonnent les scènes locales depuis environ 3 ans lorsque fin 1983, à l’occasion d’un concert sur Paris ils sont repérés par le producteur Robert Wood qui les signe. Ce dernier dote le groupe d’un son très correct et permet à Marc Féry (chant), Pierre Holzhaeuser (guitare), Philippe Guadagnino (basse) et Régis Martin (batterie) de sortir un premier album marquant.
Au-delà de la qualité de la production, ce qui frappe chez Blasphème c’est la maturité du groupe. On sent que les morceaux ont été travaillés et peaufinés sur scène. En effet, bien qu’évoluant dans un style très typé « Hard Rock français des années 80 » (chant en français, voix aiguë, batterie très technique…), le groupe n’hésite pas à sortir des chemins battus pour introduire des touches d’originalité dans sa musique. Ainsi l’utilisation de piano et d’un violoncelle, sur « Sanctuaire » « Excalibur » et « Enfer Paradise », apporte-t-elle une fraîcheur bienvenue.
De fait, l’ensemble est très digeste. Des morceaux comme « Sanctuaires » alternant les tempos et les instruments avec bonheur. Mais les deux choses qui frappent le plus chez Blasphème sont le sens de la mélodie, et la voix de Marc Féry. Si ce dernier chante de manière assez classique, il pousse fréquemment dans les aigus, notamment en fin de phrase, lors des refrains et dans les chœurs. Bien que cette tendance soit moins marquée que sur leur second album, cette particularité ne peut laisser indifférent. Soit on adore la puissance et la gouaille qui en ressortent, soit on ne peut supporter ces cris d’orfraies. Cependant, autant la critique peut être recevable pour « Désir de Vampir », leur deuxième album, autant pour celui-ci, la voix est un atout indiscutable pour le groupe.
L’autre est étant ce sens de la mélodie qui impressionne chez Blasphème. Dès le premier titre, « Jack l’Eventreur », le groupe fait montre d’un savoir-faire indéniable pour ce qui est de ficeler des mélodies aisément mémorisables et des ambiances variées. Le pont d’orgue étant le morceau « Excalibur » qui emmène l’auditeur en voyage à travers le temps et les sentiments. L’efficacité est également de mise, comme le démontre « Jéhovah », « Sanctuaire » et « Magie Noire ». Enfin, il ne faut pas oublier le travail de la section rythmique, et notamment de Régis Martin (batterie) qui délivre de très belles parties (« L’An Christ »).
Au final un très bon disque, un peu plus classique que son successeur, mais au charme intemporel. Sorti initialement chez « Lizar Record », ce disque a été réédité en 1997 par « Brennus Record ». Il est dommage qu’aucun inédit n’ait été alors ajouté.