Apparu de nulle part sur un petit label américain en 1993, Joe Stump s'est tout de suite vu catalogué comme un clone de Yngwie Malmsteen et, il faut bien l'admettre, non sans raison. En fait, Stump a surtout des influences communes avec le Suédois : notamment Ritchie Blackmore, Bach, Paganini, Vivaldi et le classique relativement traditionnel en général, sans parler de Jimi Hendrix. Et puis Joe joue aussi sur des Fender Stratocaster, ce dont on ne se plaindra pas tant leur son est beau et caractéristique. Le musicien ne cache pas ses influences, il dit lui-même "ne pas essayer de réinventer la roue".
Joe est un amoureux des rythmes rapides, des arrangements assez chargés (guitares démultipliées en harmonie), friand d'un son assez lourd (les riffs sur lesquels reposent ses parties solistes sont bien souvent assez plombés) et de thèmes menaçants. De plus, l'Américain n'a pas peur de se laisser aller à des improvisations débridées et, sans faire de morceaux particulièrement progressifs dans leur structure, il n'hésite pas à prolonger ses instrumentaux jusqu'à 6, 7, voire 9 minutes. Notre homme a aussi recruté l'ex-chanteur de Yngwie, Michael Vescera (période "Seventh Sign"/"Magnum opus"), pour former le groupe Reign of Terror, il y a déjà pas mal d'années et l est encore impliqué dans un nouveau projet, Holy Hell. En tout il a désormais 13 albums à son actif. Inutile de dire que cet individu a donné du grain à moudre aux détracteurs de Malmsteen et des "shredders" de tout poil !
Si la production de ses premiers albums laissait un peu à désirer, Stump a fait de nets progrès à ce niveau et la clarté du son sur ce nouvel opus permet de mieux apprécier ces musiques aux arrangements relativement chargés.
Mélodiquement parlant, cette "vendetta de virtuose" est un album bien long mais relativement varié. D'un côté on retrouve les inévitables influences de J.S. Bach et ses constructions symétriques et mélodiques avec des rythmes rapides comme sur "Chasin' the dragon", dans un registre plus sombre et davantage axé sur la rythmique sur "Pistol whipped". D'autre part, un certain côté orientalisant est largement mis en valeur sur le magnifique "The dance of kashani" qui rappelle plus Uli Jon Roth, le pachydermique et grandiose "Allegro #2 in A minor" et atteint son paroxysme sur le très long et encore plus pesant "The witching hour".
Joe rend souvent hommage à Ritchie Blackmore sur cet album, particulièrement sur le très rock'n'roll "Blackmore's boogie", plus léger au niveau sonore, avec un swing particulièrement entraînant et où l'on croirait presque entendre le style si caractéristique de son aîné ! "Strat sorcery" est même un blues lent qui rappelle un rien le vieux Rainbow ou Uli Jon Roth. Stump peut effectivement se révéler un mélodiste inspiré et son jeu se fait lyrique et sensible sur la superbe ballade "The beacon".
Hélas, le virtuose a parfois tendance à en faire de trop et quelques morceaux longs auraient gagné en efficacité à être un peu plus concis, comme "Old school throwdown", où il s'inspire d'Hendrix mais s'enlise dans des parties solistes plus ou moins dissonantes. Alors que son talent de soliste est amplement démontré sur un morceau bref comme le très baroque "Symphonic pandemonium" pour clavecin et guitare électrique ! Autre regret : même si un claviériste joue sur la plupart des morceaux, il est cantonné le plus souvent à un rôle purement secondaire, alors qu'il serait plus intelligent de le laisser faire quelques parties solistes et d'utiliser davantage les avancées en termes d'échantillons sonores afin de donner aux arrangements la véritable dimension symphonique qu'ils réclament.
En terme purement techniques, pour peu que l'on aime les genres qu'il aborde, Stump est un virtuose exceptionnel capable d'éblouir les amateurs blasés - à défaut de surprendre sur un plan purement musical. Il est quand même instructeur depuis des années au Berklee College of Music…
Quant à son feeling, sur ce point et comme pour tous les autres guitaristes, on pourrait disserter des heures. Pour certains, être influencé par la musique classique semble systématiquement impliquer une absence d'émotion, ce qui, lorsqu'on y pense, est totalement aberrant. Au contraire, Joe est un guitariste au jeu d'une intensité exceptionnelle, avec une certaine tendance à l'auto-indulgence, un goût prononcé pour les fioritures et développements exagérés - inutile de le nier -, mais chez lequel on perçoit une passion sincère… Maintenant si l'on n'aime pas ce genre de musique, comment y percevoir la moindre émotion puisque l'on en est soi-même incapable ?
A vous de voir, par conséquent mais ce nouvel album est l'un des ses meilleurs, en partie grâce à une plus grande variété et des contrastes plus marqués dans les arrangements et les sons utilisés.