Les fans avaient eu peur. Après un "Point of Entry" en demi-teinte, "Screaming For Vengeance" avait remis les choses en place. Des hits, et du metal. Il ne restait plus qu'à transformer l'essai et à décider si Judas Priest continuerait sur cette voie métallique.
Le riff décapant de "Freewill Burning", qui ouvre l'album, laisserait penser que oui. Judas Priest continue sur la voix du heavy metal, et sans faiblir. Cette impression se confirme tout au long de l'écoute avec un déluge de décibels effrayant et surtout diablement efficace. Mis à part un "Love Bites" un peu grandiloquent dans la lignée de "United", et un "Night Comes Down" un peu raté, tous les morceaux envoient du bois avec une sauvagerie authentique et jouissive.
Plus qu'une pluie de riffs, l'album propose des morceaux travaillés et subtils qui ne perdent pourtant rien en force. Ainsi, "Rock Hard, Ride Free" deviendra une référence avec son refrain taillé pour les stades qui englobe des parties de guitare légères et mélodiques. Le solo de ce titre reste un modèle d'efficacité, la reprise du thème initial tirant toujours des frissons. Et que dire de "The Sentinel", morceau alambiqué incroyablement puissant, dans lequel tout s'enchaine avec fluidité et énergie, malgré la complexité des riffs. L'album s'achève sur l'enchainement "Heavy Duty/Defenders of The Faith" qui vous laissera pantois de puissance solennelle et dévastatrice.
À l'image de ces derniers hymnes, l'album affiche sur toute sa durée une sorte de noblesse. Les titres paraissent presque hautains tant il est clair qu'ils ont été faits pour être surpuissants et écoutés à gros volume. Pourtant, le pari est réussi et la tension ne retombe que très peu (la suite "Love Bites" - "Night Comes Down", plus classique). Les membres se donnent à fond comme rarement (comme jamais depuis "Killing Machine" d'ailleurs). Le chant de Rob Halford est mélodique, hargneux, ou pompeux selon le besoin. La paire Tipton/Downing est plus efficace que jamais, avec des riffs à foison et des soli parfaits d'équilibre, entre vélocité et efficacité, avec cette harmonie qui les caractérise. Le jeu de Dave Holland garde son coté métronomique mais s'adapte sans problème à la relative complexité des morceaux.
"Defenders Of The Faith" ne pourra pas vous laisser indifférent. Il est la représentation de l'énergie dégagée par un groupe persuadé d'être le plus grand groupe de heavy du monde. N'ayant peur d'aucune prétention, Judas Priest propose un album déterminé, à la fois pompeux et puissant. Malgré quelques défauts ou temps morts (et encore), il est difficile de ne pas se laisser emporter en hurlant de concert avec la foule : We are defenders of the faith !