En 2003, le batteur de Saga, Steve Negus, était parti après l'album Marathon. Après un disque avec Christian Simpson pour le remplacer, c'est Brian Doerner qui s'est installé derrière les fûts. Il y est pour l'instant bien en place. Et pour ne rien gâcher, il assure parfaitement, allant jusqu'à rendre l'absence de Steve Negus difficile à déceler.
En 2007, coup de tonnerre dans le microcosme des fans des canadiens, Michael Sadler, le chanteur, annonce son retrait. Il veut vivre près de sa famille et ne plus s'éloigner de longs mois d'affilée de celle-ci. Soit. Mais quid de Saga après ce départ ? Une tournée en forme d'adieu pour l'élégant chanteur plus tard, le groupe retourne en studio pour enregistrer The human Condition. C'est Rob Moratti de Toronto qui va se charger du chant.
Toute la difficulté dans l'écriture de cette chronique a consisté à parler du disque et pas seulement du nouveau chanteur et des différences avec l'ancien. Parce qu'après tout, c'est bien d'un disque que nous allons parler maintenant.
Et évidemment, Saga n'allait pas dévoiler immédiatement sa nouvelle trouvaille. Le groupe maintient donc un peu de suspens avec le titre éponyme, The Human Condition, quasiment instrumental, un peu à l'image du titre Conversation issu de l'album World's Apart (1981). Une seule courte phrase répétée de nombreuses fois avec une voix trafiquée. Impossible de parler du chanteur ici. Par contre, on comprend que Ian Crichton (Guitare) et Jim Gilmour (Claviers) n'ont pas les doigts engourdis. Voilà un titre qui ravira les afficionados des montées et descentes de gammes d'une perfection clinique (étant donnés les virtuoses, rien d'étonnant…).
Mais arrive Step Inside, et là, fini le supplice. On entend un Rob Moratti bien placé, voix très différente de celle de Sadler, mais en adéquation avec la musique de Saga et particulièrement avec ce morceau. Un des meilleurs parmi les 9 présentés ici. Je vous mets au défi de résister à ce refrain (je sais, il y a toujours des réfractaires, mais…). C'est du Saga, ça pulse, c'est très bien arrangé et Ian Crichton a gardé son touché de 6 cordes inégalé à ce jour par ses imitateurs. Du bon cru.
Sans aller jusqu'à décortiquer titre à titre ce nouvel opus, poussons un peu l'analyse. Avalon par exemple, aurait pu être chanté par Phil Collins. C'est aussi le seul titre dans lequel chante Jim Gilmour (très peu d'ailleurs). La rythmique est toujours très assise - comme du Saga en fait - et Ian Chrichton nous gratifie d'un solo qui ne décolle pas, rare chez lui. Et tout n'est pas exceptionnel dans cet album. Par exemple, Hands of Time, dont on se demande ce qu'il fait là, à la limite du hors sujet qui s'apparente à une sorte de slow convenu dont Saga n'est pas coutumier. Passons.
Le vieux Saga revient de temps en temps, comme dans A Number With a Name, échappé des anciens albums des années 80 de nos canadiens. Mais Saga n'a-t-il pas toujours fait ça ? A l'inverse, des sonorités résolument modernes (ce que Saga a toujours fait aussi…), vous en trouverez comme dans Now is Now, qui fait penser à du Little River Band. La voix de Rob Moratti se rapproche d'ailleurs globalement de celle du chanteur de Little River band, Glenn Shorrock.
En résumé, il n'y a musicalement pas de vraie surprise, c'est bien du Saga. Au niveau du chant, Rob Moratti ne fait pas dans le même registre que Michael Sadler, et c'est probablement mieux qu'une pâle imitation, erreur que n'ont pas risqué les frères Chrichton, tout en embauchant un chanteur capable de chanter les anciens titres. Il sera d'ailleurs intéressant de découvrir les grands morceaux du passé avec Rob Moratti. Comme c'est un vrai chanteur, ça devrait bien se passer.
Au final un bon album, avec des passages d'excellente facture, de nombreux très bons soli de guitares et de claviers, et quelques refrains très réussis. Jim Chrichton (le Boss) a réussi son coup, faire survivre Saga suite au départ de Michael Sadler... Que l'on saluera parce qu'on l'aime toujours...