Après un « Rock’n’Roll » moyennement convaincant, Trust se sépare en 1985, le temps de laisser à Bernie le loisir de sortir deux albums solos (l’excellent « Couleur Passion » et « En Avoir Ou Pas »), et à Nono d’accompagner Johnny Hallyday. Mais en 1988, le groupe se reforme et entreprend une tournée qui l’amène à effectuer deux dates à Bercy en première partie d’Iron Maiden dans le cadre des Monsters Of Rock. L’espoir suscité par cette tournée et cette reformation est immense, et le public attend avec impatience le retour sur vinyle des enfants prodigues du Hard Rock français.
Malheureusement, si le retour sur scène est probant, la suite est des plus décevantes. Destiné à faire patienter le public avant la sortie attendue d’un 6ème album, Trust pond ce « En attendant… » qui a tout d’un recueil de démos et de face B. En effet, seuls deux titres originaux, « Good Time » et « Allez monnaie blues », sont présents sur ce disque, le reste n’étant constitué que de reprises, de versions live ou bien de délires. Certes, ces deux morceaux ne sont pas foncièrement mauvais, avec leur ambiance très Rock, très Hard Rock même, mais le spectre de l’album « Rock ‘n Roll » plane encore. Le métier et l’expérience sont bien présents, mais nous sommes là bien en dessous de ce dont Trust était capable sur ses 4 premiers opus.
Pourtant le son est bon, et met bien les guitares en valeur. L’attente du public est forte et tout concours donc à ce que ce soit une réussite, mais la sauce ne prend pas. Tout au plus pouvons-nous reconnaître à « Allez monnaie Blues » un certain charme avec son couplet déclamé par Bernie et ses paroles corrosives qui lui aurait été inspirées par la participation du groupe Trust au projet « Chanteurs Sans Frontière » initié par Renaud et Valérie Lagrange. Ce projet, avait pour but de venir en aide aux populations d’Ethiopie, et a débouché sur la vente de 24 millions d’exemplaires de la chanson « SOS Ethiopie ». Ces deux titres originaux figurent également dans des versions anglaises bien dispensables, qui laissent à penser que la reformation du groupe avait pour vocation de dépasser les limites de l’hexagone.
Au registre des reprises, nous retrouvons le « Boum Boum » de John Lee Hooker dans une version survitaminée et groovy. Les guitares sont omniprésentes et, bien que chantant en anglais, Bernie est très à l'aise. Il faut avouer que les paroles sont des plus simples et des plus répétitives. Vient ensuite une version assez réussie des Rolling Stones qui pâtie tout de même de l’accent de Bernie. C’est bien dommage car, tant au niveau du phrasé que de l’instrumentation, le résultat est intéressant. Encore une fois, les guitares se taillent la part du lion et transforment ce morceau Rock 'n Roll en brûlot Heavy.
Nous avons ensuite droit à une très très bonne version live de « Surveille Ton Look » qui aurait gagné à être intégrée à l’album « Paris By Night » sorti la même année, ce qui, faute de place ne fut pas possible, ce dernier album annonçant déjà près de 75 minutes au compteur.
Le groupe y démontre toute sa maîtrise de la scène ; un grand moment transcendé par la rage, la mélancolie et la verve de Bernie et surtout par des interventions magiques de Nono. Une version de 9 minutes qui s’affranchie considérablement de celle issue des studios. Indéniablement le meilleur moment du disque.
Enfin, le moment « phare » de l’album est la reprise / réadaptation du « Petit Papa Noël » de Tino Rossi. Ce titre a failli sauver ce disque par sa seule présence tant il est jouissif, surprenant, frais et drôle. C’est d’ailleurs le seul morceau de « En Attendant... » qui ait laissé une trace dans la mémoire des fans. Cependant, une fois passée la surprise, ce bon morceau doit être remis à sa place : c’est un excellent titre pour une face de B de 45 tours ou pour être placé en bonus sur une compilation.
Et on en vient alors à contempler l’étendue du désastre en songeant que c’est cette plaisanterie qui sauve le disque et qui fait office d’arbre cachant le désert. Le constat est des plus amers. Et il est d’autant plus amer quand on sait que ce qui semble avoir été enregistré à la bonne franquette, dans une ambiance décontractée, pour faire office d’apéritif, a donné lieu a d’énormes tensions entre les membres du groupe. Tensions qui ont débouché très rapidement sur une nouvelle séparation. Nono, opposé à la sortie de cet album pour lequel il n'a pas participé à l'écriture des morceaux, décidant de quitter le groupe.
Pauvreté artistique, désastre en termes de gestion de carrière et en termes de crédibilité, manque d'harmonie dans le choix des titres, décidément ce « En Attendant » ne fait pas les choses à moitié. Aller, on passe vite à autre chose ?