Les paysages glacials et austères de Scandinavie sont certes une source d’inspiration pour les groupes de Black Metal Norvégiens revendiquant d’ailleurs bien souvent la légitimité du style à grands coups d’étiquettes « True Norvegian Black Metal », à savoir un black metal froid, lugubre et décharné. Alors d’où l’inspiration d’un groupe originaire de Californie rattaché à cette scène nordique serait-elle issue ? Allez savoir...
C’est pourtant tous les codes du raw black que l’on retrouve ici, à commencer par le logo élaboré par Christophe Szpajdel et la pochette au paysage de glace. « Eternal Throne » est le premier album de Battle Dagorath, trio formé dés 2002 dans la chaude et sèche Californie donc. Bien qu’écrit et enregistré entre 2005 et 2007, l’album ne voit le jour qu’en 2008 via Mercenary Music et est réédite ce mois d’Avril 2009 via Cold Dimension. Le nom du groupe est sans nul doute inspiré par la Dagor Dagorath (la Bataille des Batailles ou la Bataille Finale en Sindarin), qui est décrite dans l'œuvre de J.R.R. Tolkien. Bien que le Silmarillion tel qu'il fut publié se termine avec le récit du voyage d'Eärendil le Marin, cette fin est une décision éditoriale de Christopher Tolkien. Le "Silmarillion" tel que Tolkien l'avait originellement pensé, se finissait avec une prophétie de Mandos sur la Dagor Dagorath, souvent nommée "La Grande Fin". Par ailleurs, il ne faut pas confondre le groupe américain Battle Dagorath qui nous interesse ici avec Dagor Dagorath, groupe de Black Metal lui aussi, mais Israelien cette fois. Tolkien est décidément source d’inspiration par delà les continents.
De par ses origines et le style annoncé, je ne vous cacherai pas que j’ai effectué les premières écoutes à reculons, plein de préjugé, tant tout a été déjà dit dans ce style de Black Metal étriqué. Je conseille fortement la production à notre ami Niurk qui rien que pour ça aurait pris le premier vol transatlantique pour faire bouffer sa galette à Christoph Ziegler. Ce dernier s’affaire aux manettes et son groupe (Vinterriket) est également l’auteur des intro et outro de Eternal Throne. Bref, ce son bien mauvais répond lui aussi aux codes scandinaves. Et malgré les premiers titres qui n’arrivèrent pas à attirer mon attention plus qu’au réveil ma barbe négligée de quatre matins n’y parvient, c’est à mon étonnement que petit à petit, je me suis laissé prendre au jeu.
Battle Dagorath joue un Black Metal nordique très froid, ça on l’avait compris. La rapidité rythmique et la longueur des titres (un seul titre en dessous des 6 minutes) sont des constantes. Ceux-ci liés à ce tempo galopant au sens strict, ressortant de l’épaisse brume du son brouillon tel un cheval au galop, apportent une touche épique conséquente et prenante. A l’épique vient s’ajouter cette nuance de Black pour lequel plusieurs commencent à apposer l’étiquette « astral ». En quelques sortes un black empreint de plus de spiritualité que l’éternel cliché satanique, un black plus sophistiqué que le raw mais plus brutal, étriqué, et moins « petit doigt levé et monocle» que le black symphonique.
Finalement une belle petite surprise et l'on peut considérer dès à présent Battle Dagorath comme une figure de proue d’une scène black metal américaine qui commence à s’imposer tout doucement quand une scène scandinave s’essouffle et tourne parfois un peu trop en rond.